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LA QUENOUILLE DE BARBERINE.

BABBERINE descend et ouvre la porte.

Seigneur, vous êtes le bienvenu. Comment se porte mon mari ? que fait-il ? où est-il ? à la guerre ? hélas ! répondez.

ROSEMBERG.

Il est à la guerre, madame. Pour ce qu’il fait, c’est bien facile à dire ; il suffit de vous regarder pour le savoir ; qui peut vous avoir vue et vous oublier ? Il pense à vous, comtesse, et tout éloigné qu’il est, son sort est plus digne d’envie que de pitié, car, je le sais, vous pensez à lui. Permettez-moi de baiser votre main.

BARBERINE.

Seigneur, nous ne sommes riches que de bonne volonté, mais nous vous recevrons le moins mal possible.

ROSEMBERG.

J’ai laissé quelque part par là mes chevaux et mes écuyers ; je ne saurais voyager sans un cortége considérable, attendu ma naissance et ma fortune. Mais je ne veux pas vous embarrasser de ce train.

BARBERINE.

Pardonnez-moi ; mon mari m’en voudrait si je n’insistais. Nous leur enverrons dire de venir ici.

ROSEMBERG.

Quels remerciemens puis-je faire pour un accueil si favorable ? Cette blanche main a daigné m’ouvrir elle-même, et ces beaux yeux ne la contredisent pas ; ils m’ouvrent aussi, noble comtesse, la porte d’un cœur hospitalier. Je veux aller moi-même prévenir ma suite, et je reviens auprès de vous.



Scène II.

Une rue.
Entre ULRIC.
ULRIC.

Depuis que ce Rosemberg est parti, je ne puis ni rester en place ni dormir. Je ne sais quelles idées noires me passent par la tête malgré moi. Que ma femme soit chaste, cela est bien certain ; je n’en doute pas, mais… Quel mal pourrait-il y avoir, si je croyais trouver un moyen… non pas de m’en assurer, puisque cela est prouvé pour moi, mais enfin… non, il n’y a point de mal à cela. En vérité, la fièvre me prend toutes