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REVUE DES DEUX MONDES.

ULRIC.

Eh bien ! puisque tu veux savoir qui a raison de toi ou moi, regarde-toi dans ce miroir.

(Il tire son épée.)
ROSEMBERG.

Attendez ! je ne suis pas en garde.

(Il tire aussi son épée. Polacco s’enfuit. Entrent la reine et les courtisans.)
LA REINE.

Que veut dire ceci, jeunes gens ? je croyais que ce n’était pas pour arroser les fleurs de mon parterre que se tiraient des épées hongroises. Qui a donné lieu à cette dispute ?

ULRIC.

Sacrée majesté, excusez-moi. Il y a telle insulte que je ne puis supporter. Ce n’est pas moi qui suis offensé, c’est mon honneur.

LA REINE.

De quoi s’agit-il ? parlez.

ULRIC.

Madame, j’ai laissé au fond de la Bohême une femme belle comme la vertu. Ce jeune homme, que je ne connais pas, et qui ne connaît pas ma femme, n’en a pas moins dirigé sur elle des railleries dont il fait gloire. Je proteste, à vos pieds, que ce soir même j’ai refusé de tirer l’épée, par respect pour la place où je suis.

LA REINE, à Rosemberg.

Vous paraissez bien jeune, mon enfant ; quel motif a pu vous porter à médire d’une femme que vous ne connaissez pas ?

ROSEMBERG.

Sacrée majesté, je n’ai pas médit d’une femme ; j’ai exprimé mon opinion sur toutes les femmes en général, et ce n’est pas ma faute si je ne puis la changer.

LA REINE.

En vérité ? Je croyais que l’expérience n’avait pas la barbe aussi blonde.

ROSEMBERG.

Madame, il est juste et croyable que votre majesté défende la vertu des femmes ; mais je ne puis avoir pour cela les mêmes raisons qu’elle.

LA REINE.

C’est une réponse téméraire. Chacun peut en effet avoir sur ce sujet l’opinion qu’il veut ; mais que vous en semble, messieurs ? N’y a-t-il pas une présomptueuse et hautaine folie à prétendre juger toutes les femmes ? C’est une cause bien vaste à soutenir, et si j’y étais avocat, moi,