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REVUE DES DEUX MONDES.


Scène III.

À la cour. — Un jardin.
Entrent la REINE, ULRIC et plusieurs courtisans.
LA REINE.

Soyez le bienvenu, comte Ulric. Le roi, notre époux, est retenu en ce moment loin de nous par une guerre bien longue et bien cruelle, qui a coûté à notre jeunesse une riche part de son noble sang. C’est un triste plaisir que de la voir ainsi toujours prête à le répandre encore, mais cependant c’est un plaisir et en même temps une gloire pour nous ; les rejetons des premières familles de Bohême et de Hongrie, en se rassemblant autour du trône, nous ont rendu le cœur fier et belliqueux ; quel que soit le sort d’un guerrier, qui oserait le plaindre ? Ce n’est pas nous, qui sommes reine, ni moi, Ulric, qui fus une fille d’Aragon. J’ai beaucoup connu votre père, et votre jeune visage me parle du passé. Soyez donc ici comme le fils d’un souvenir qui m’est cher. Nous parlerons de vous ce soir avec le chancelier ; ayez patience, c’est moi qui vous recommande à lui. Le roi vous recevra sous cet auspice ; puisque nos clairons vous ont éveillé dans votre château de Bohême, et que du fond de votre solitude vous êtes venu trouver nos dangers, nous ne vous laisserons pas repentir d’avoir été brave et fidèle ; en voici pour gage notre royale main.

(La reine sort. Ulric lui baise la main, puis se retire à l’écart.)
UN COURTISAN.

Voilà un homme mieux reçu, pour la première fois qu’il voit notre reine, que nous, qui sommes ici depuis trente ans.

UN AUTRE.

Abordons-le, et sachons qui il est.

LE PREMIER.

Ne l’avez-vous pas entendu ? c’est le comte Ulric, un gentilhomme ruiné. Il cherche fortune, comme un nouveau marié qui n’a pas de quoi faire danser sa femme.

LE DEUXIÈME.

Dit-on que sa femme soit jolie ?

LE PREMIER.

Charmante ; c’est la perle de la Bohême.