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LE PARLEMENT ANGLAIS.

le traitent d’agitateur, de furieux, de destructeur. Mais parmi les réformistes eux-mêmes, comment a-t-il tant d’admirateurs inconsistans qui ne lui pardonnent point la violente amertume et l’inexorable âcreté de ses discours ? Croient-ils donc, ces impassibles modérateurs, que des paroles mielleuses et la soumission des prières eussent obtenu le redressement du moindre de nos griefs irlandais ? Non. S’il n’eût frappé rudement et sans pitié, sans mesure, le vieil édifice d’usurpation et d’intolérance serait debout encore tout entier. Qu’il poursuive, qu’il soit impitoyable. Il a fait une bonne brèche au mur ; qu’il le jette bas. Renverser ainsi, ce n’est pas détruire ; c’est déblayer le terrain pour fonder la liberté générale.

De fait, O’Connell est bien incontestablement le premier orateur et le premier homme politique du parlement. Amis ou ennemis, chacun le confesse, au moins intérieurement, le maître ; c’est aussi le vrai premier ministre. Les membres du cabinet ne sont que des marionnettes habilement dressées qu’il fait mouvoir. En ce qui est de son influence sur les masses, elle est immense et générale. Ce n’est pas seulement dans notre Irlande qu’il est aujourd’hui l’idole populaire, c’est aussi bien en Écosse et en Angleterre. Dieu lui prête vie ! l’espérance et l’avenir de trois peuples sont en lui.

Je n’ai plus rien à vous dire de la séance du 3 juin, si ce n’est que j’y laissai assez de membres dévoués pour qu’elle pût continuer plusieurs heures encore divers travaux d’une importance secondaire. C’est une justice due à nos communes, la grande querelle politique n’y empêche nullement la marche des affaires locales et privées. En une seule nuit, elles expédient souvent plus de besogne que votre chambre des députés en tout un mois de trente journées.

Donc vous avez vu que l’opposition des conservateurs a fait pleine retraite devant le bill des corporations. Ce n’a pas été sans un grand crève-cœur, vous le pensez bien, mais une tactique prudente le voulait ainsi. Il fallait à tout prix se donner les airs de ne pas trop haïr la réforme. Ce plan ne manque pas d’habileté.

Mais l’opposition compte bien regagner son terrain dans l’affaire des dîmes irlandaises et de l’appropriation. C’est sur cette question qu’elle a fait halte et qu’elle accepte le combat. — « Nous avons suffisamment prouvé, s’écrient les proclamations, que nous sommes de raisonnables réformistes, mais notre amour du progrès ne va pas jusqu’à sacrifier l’église ! À nous donc l’église et quiconque tient pour elle ! l’église est en danger ! » — Et leur église, cette fille ingrate et dénaturée qui a renié et dépouillé sa mère, d’appeler de tous ses cris les vieux préjugés