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LE PARLEMENT ANGLAIS.

monsieur, dit M. Bulwer, mais je vous préviens qu’il me sera difficile d’avoir souvent cet honneur ; j’ai déjà plus de connaissances que mon temps ne me permet d’en cultiver, et, en conscience, c’est bien à elles que je dois les momens dont je puis disposer. » Ne trouvez-vous pas que voilà une politesse qui renchérit sur l’amabilité britannique ordinaire ? À suivre l’usage de son pays, M. Bulwer ne s’assujétissait pourtant pas beaucoup. Les Anglais ne se ruinent point en hospitalité. Un étranger leur est-il adressé, à moins que ce ne soit un personnage dont il y ait à tirer quelque profit, ils lui donnent un lourd et long dîner, qui a le souper pour dessert ; puis, après l’avoir bien bourré de roast-beef et empli de vin de Porto et de grog, une bonne fois, après n’avoir rien épargné de ce qui pouvait l’étouffer, ils le congédient ; et si le malheureux survit à cette chère, la porte de ses amphitryons ne s’ouvrira plus qu’à sa visite d’indigestion. Walter Scott, qui était peut-être bien un aussi grand romancier que M. Bulwer, ne se croyait pas dispensé de ce droit commun d’urbanité à l’égard des visiteurs qu’on lui recommandait. Loin de là, il les traitait plus hospitalièrement que ce n’est la coutume en Angleterre ; il est vrai que Walter Scott n’était pas un grand romancier fashionable.

Là encore, vous eussiez reconnu le docteur Bowring furetant, trottant, allant d’un banc à l’autre, serrant toutes les mains qui se laissaient serrer. Je dis reconnu, parce que vous connaissez vraiment mieux que nous cet éminent docteur ; comme il n’a pas perdu tout son temps à battre le pavé de votre capitale, il a découvert que le charlatanisme y était un moyen de succès tout puissant ; il a pris la route la plus courte ; il est allé droit aux journaux. Vos journaux, vous ne l’ignorez pas, quand on sait s’y prendre avec eux, sont la complaisance même. Bientôt il ne fut question que du docteur Bowring. Le docteur Bowring ne faisait point un pas qui ne fût enregistré ; c’était le docteur Bowring par-ci, le docteur Bowring par-là, toujours partout et à tout propos M. Bowring le docteur ; et votre honnête public, étourdi de ces coups de trompette, de considérer à la fin comme une sorte de Stratford-Canning commercial et littéraire, ce remuant et bruyant personnage sans cesse par voie et par chemin, dont nul ne comprenait d’ailleurs les missions obscures et anonymes. De ce côté du détroit on apprécie mieux les puffs de la presse, de sorte qu’on riait bien, je vous assure, quand ce docteur Bowring se pavanait chez vous si splendidement vêtu de l’importance qu’il avait achetée aux fabriques de vos feuilles. Il est revenu ici, mais sans rapporter ce glorieux manteau. On a retenu cela à la douane comme marchandise française prohibée. En