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LE PARLEMENT ANGLAIS.

étonne et terrifie une oreille étrangère, surtout peu accoutumée aux discordances de la prononciation anglaise. C’est un bruit saisissant, inoui, d’autant plus étrange, que d’abord vous ne savez d’où il sort. Ils sont là six cents hommes assis qui poussent des cris de joie ou de colère sauvages, et leurs corps demeurent immobiles ; leurs traits gardent le calme et le flegme ordinaires. Ces tumultes ont quelque chose de fantastique.

Hear ! hear ! — est le signe de satisfaction et d’encouragement. — Écoutez l’orateur ! sa parole pénètre et touche le vif de la question ; nous l’écoutons, écoutez-le.

Spoke ! spoke ! — témoigne l’impatience, l’ennui, la lassitude. — « Vous abusez ; vous en avez assez dit ; vous avez parlé ! » Le reproche est dur et impératif. Il est rarement encouru.

Order ! order ! — est la provocation de rappel à l’ordre ; c’est une sommation au speaker d’avertir et de réprimander celui qui a passé les bornes, car au speaker seul appartient le droit de prononcer la peine.

Le speaker résume en lui la toute-puissance de la chambre dont il est le délégué. Son autorité est souveraine au dedans comme au dehors. Sa charge en fait un très haut seigneur. Il a son palais de présidence ; il tient des levers royaux où l’on n’est admis qu’en costume de cour. Chose singulière ! ces hommes des communes qui entrent dans leur salle bottés, éperonnés, la cravache en main, le chapeau en tête, trouvent porte close chez leur président, s’ils n’ont pas les manchettes et l’habit à la française. Cette rigueur est déraisonnable. M. Hume a pourtant été mal venu récemment à s’élever contre elle. Le bon sens de ses objections a passé pour de la folie radicale. C’est que, chez les Anglais, les vieilles coutumes d’étiquette sont plus enracinées encore que les abus. Ils auront, soyez-en certains, réformé l’église, l’aristocratie, et peut-être la royauté, avant les perruques grotesques de leur magistrature. Leur révolution définitive sera faite que leur liberté gardera encore ses allures et sa toilette d’ancien régime.

Chez nous, la souveraineté réelle et incontestable (n’est-ce pas ?) est dans les communes. Notre pairie n’est plus qu’un fantôme un peu plus dignement drapé, mais tout aussi fantôme que la vôtre. Eh bien ! la pairie, qui en est réduite à obéir aux communes et à enregistrer leurs bills, la pairie conserve toutes ses apparences de suprématie ! elle continue de mander les communes à sa barre, et les communes comparaissent debout, menées par leur speaker ! et quand la pairie assise leur a signifié le consentement royal à leurs volontés, elles se retirent en