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REVUE. — CHRONIQUE.

mais toujours est-il que, contre l’ordinaire, le ministère est abandonné à lui-même dans cette circonstance, et que le château le laisse seul s’occuper du soin de retenir les pairs fuyards.

Il s’en est fallu d’un accès de fièvre que le roi des Français devint, dans cette semaine, roi de France, et qu’il tint de la grâce de Dieu la couronne qu’il a reçue du vœu du peuple. Le duc de Bordeaux touchait à sa fin, disait-on. L’embarras eût été grand pour tout le monde. Le parti carliste se trouvait pris au trébuchet de la légitimité, et forcé de saluer un descendant de saint Louis et l’oint de Dieu dans la personne de l’usurpateur, tandis que la révolution de juillet se trouvait n’avoir fait qu’une avance d’hoirie à son élu, et donné gain de cause à M. Guizot, quand il disait que les usurpateurs comme Louis-Philippe sont du bois dont on fait les rois légitimes. La division régnait déjà dans le parti carliste. L’équivoque Gazette de France voyait là une occasion unique d’offrir ses éternels états-généraux, tandis que la Quotidienne, plus franche, mais plus imprudente aussi, proposait don Carlos, en vertu de la rupture du pacte de famille, consentie par Louis-Philippe, quand il reconnut l’abolition de la loi salique en Espagne. Au château, on se réjouissait grandement, et la spirituelle princesse qui jadis, lors de l’abolition des titres, s’écriait avec joie : « Quel bonheur ! nous ne serons plus princes ! » disait, en embrassant sa famille : « Nous allons donc être de véritables rois. » Mais dans le château même régnait une sourde inquiétude. Les familiers, les aides-de-camp, les généraux admis aux honneurs de l’intimité et de la confiance, ce noyau composé des grosses bottes de l’empire, de banquiers affublés d’épaulettes et de croix, tout ce que la révolution de juillet a apporté du parquet de la Bourse, du comptoir et du tribunal de commerce, au milieu de l’apparat et des fêtes de la vie royale, voyait son avenir compromis. On s’assembla pour se communiquer ses craintes. Si, à l’occasion de la mort de Henri v, le faubourg Saint-Germain s’approchait de la royauté de juillet, qui n’est que trop disposée à l’accueillir, que deviendrait la suprématie bourgeoise, les honneurs, les distinctions, les profits, tout ce qui est aujourd’hui le partage de l’aristocratie nouvelle, et qui échoierait à l’ancienne, très habile en ce genre de substitution ? C’est alors qu’il a été question de décider le roi à prendre le titre d’empereur ; c’est dans ce coin qu’est née cette idée lumineuse dont il a été fait mention dans quelques journaux, mais elle n’a pas passé plus loin. Les hommes politiques en ont ri, sachant bien que leur maître tient trop à la couronne royale, objet des sollicitudes séculaires de la branche d’Orléans, pour jamais l’échanger contre le bandeau de César. L’affaire en restera là sans doute, et le vieil empire, plus usé et plus caduc encore que la