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DÉBATS SUR LE CHRISTIANISME.

ne peuvent encore passer sur les vieilles formes un niveau triomphant.

Que faire alors ? douter des idées ? non pas, s’il vous plaît ; mais au contraire s’y attacher avec un culte persévérant, mais par mille ressources les pousser en avant sur tous les points. Puisque les vieilles institutions ne veulent pas encore tomber, sachons nous en servir, y pénétrer. Acceptons les variétés et les différences qui se partagent le monde ; ne donnons pas à nos adversaires le plaisir de notre découragement ou de coups mal portés ; qu’aucun novateur ne se mette en dehors de la société qu’il veut transformer ; les idées et les principes modernes doivent avoir partout des représentans et des interprètes. Politique, philosophie, art, poésie, que tout serve l’esprit nouveau. Si notre siècle n’a pas la majesté paisible de l’unité, qui n’est jamais que le fruit d’une victoire décisive, qu’il ait au moins les émotions et les grandeurs de ces époques variées et militantes où se heurtent le passé et l’avenir, où il est beau de préparer le triomphe et le règne de ceux qui viennent après.

Faut-il que la philosophie s’attriste, parce que le christianisme déploie ses derniers efforts ? point. Le christianisme remplit un rôle social que la philosophie ne saurait encore accomplir ; il sert de vérité à ceux dont l’intelligence ne pourrait recevoir une parole plus scientifique et plus réfléchie ; il est vrai eu égard à ceux auxquels il s’adresse, et par conséquent il est bon. Nous souhaitons à ses missionnaires plus d’ardeur, à ses cérémonies plus de richesse et de poésie, à ses prédicateurs encore plus d’éloquence. Il faut de grands efforts pour garder la société qu’envahit depuis trois siècles la philosophie.

Le passé ne saurait être odieux à notre siècle, si on ne veut pas en étendre l’empire par-delà le tombeau. Célébrez les mérites du christianisme dans les âges écoulés, qui contestera l’éloge ? Affirmez-en l’utilité sociale dans l’époque indécise où nous vivons, nous parlerons comme vous. Mais si vous prêchez l’immobile éternité du dogme chrétien, ici nous nous séparons. Rien ne saurait être plus insupportable à l’homme et au genre humain que de se voir refuser la grandeur et la nouveauté de l’avenir. Ils consentiraient