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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

tion éclatante, de telles directions, ne peut plus aspirer à former école ; il ne résiste que par des affections ou des intérêts communs ; il a moins des doctrines à faire prévaloir, qu’une position à changer ; comme tous les partis qui combattent, de vaincu il aspire à redevenir vainqueur.

La révolution bouleversa tout aussi profondément l’opinion constitutionnelle, mais le mouvement s’y opéra en sens inverse. Ce fut chose merveilleuse que la prestesse avec laquelle on abandonna en quelques jours ces vieilles thèses d’opposition sur lesquelles on avait vécu quinze ans à la tribune et dans la presse. En est-il une contre laquelle on n’ait eu à s’escrimer avec la même énergie qu’on avait mise naguère à la défendre ? L’on s’était couché journaliste, l’on se réveillait ministre, découvrant par une soudaine illumination de portefeuille que ce qui avait si long-temps paru mauvais était excellent en soi, depuis les gros budgets jusqu’aux gendarmes, depuis la centralisation jusqu’aux traités de 1815. La grace d’état opérant efficacement, on en vint à se donner des démentis avec une noble assurance et une naïveté tout-à-fait méritoire ; justifiant les actes de ses anciens adversaires tout en injuriant leur personne, ne reculant devant aucune palinodie, n’attachant même qu’une médiocre importance à modifier, par l’habileté de la conduite, ce qu’il y avait d’inexprimablement piquant dans une telle situation.

Mais pour bien pénétrer le sens véritable de cette grande péripétie, on ne doit pas manquer d’ajouter que l’ancienne opinion constitutionnelle presque tout entière s’y associa sans hésitation, sans embarras, comme à une chose toute naturelle et toute simple. Assise sur le terrain qu’elle venait de conquérir, ainsi qu’un nouveau propriétaire dans l’antique domaine qu’il vient d’acheter, elle laissa l’école républicaine tirer seule la conséquence de principes dont elle ne s’était guère préoccupée, restant également impassible devant les récriminations des vaincus, dont l’indignation était fort justifiée par l’assurance tranchante et l’impertinence cynique trop souvent apportée dans un rôle qui exigeait tout au moins de la modestie.

Mais la question n’est pas de savoir si quelques hommes ont pu laisser leur honneur dans le bureau du journal ou dans le fond de l’étude dont ils se sont élancés au timon des affaires publiques ; les flétrissures individuelles ne doivent pas faire méconnaître un fait grave et patent, légitime comme tous les faits universels : la promptitude instinctive avec laquelle la masse du pays s’associa à cette réaction vers les idées de pouvoir, si vivement attaquées jusqu’alors.

Il n’y a pas là matière à s’étonner pour ceux qui pensaient, sous la restauration même, que le gouvernement était moins engagé dans une