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cœur et d’esprit qu’on apporterait à discourir sur les partis qui divisent l’Empire du Milieu.

Non que j’entende me dérober à la responsabilité de ma pensée personnelle : elle jaillira franche et patente de l’ensemble de ce travail ; mais je crois fermement que la première condition, pour atteindre aujourd’hui à la vérité dans la science sociale, consiste à juger les partis comme un étranger plutôt que comme un adversaire, et à ne pas donner une idée politique pour inflexible mesure à toutes les autres. Les points de vue opposés où se placent les partis, ne sont, en effet, que des aspects divers et fort circonscrits de l’unité sociale. Pour montrer ce qu’il y a de vrai en même temps que d’incomplet en chacun d’eux, il faut s’élever à une donnée plus large, plus compréhensive de l’humanité ; il faut, au milieu du tourbillon des choses qui passent, se serrer plus étroitement à l’éternelle colonne de la vérité qui ne passe pas.

Ce n’est qu’après 1830 qu’on a vu clair dans l’intérieur des partis, qu’on a pu en exposer le diagnostique et sonder la profondeur des plaies qui les rongent. Ils avaient su conserver jusqu’alors une apparence de cohésion de nature à tromper un œil inexercé. Rien ne hâte tant qu’une révolution la décomposition des factions, en ce qu’elle les oblige à changer subitement de terrain, et dispense les vainqueurs de toute hypocrisie envers eux-mêmes et envers les autres.

Sous la restauration, les partis luttaient tous contre le pouvoir, qui s’efforçait d’échapper à leur domination, parce qu’il était instinctivement convaincu que l’un manquait de force, l’autre de volonté, pour le soutenir efficacement. De là vient que, durant cette période, rejetés presque constamment dans l’opposition, les partis s’attachèrent à coordonner leurs doctrines, et s’élevèrent ainsi à l’état d’école. L’opinion de droite avait ses principes, ses docteurs et ses arcanes. Les croyances politiques y étaient d’autant plus ferventes, qu’elles s’étaient habilement enlacées au tronc même de l’idée religieuse dont elles aspiraient la sève. La solidarité dans laquelle cette école enveloppait les choses de l’éternité et celles du temps, lui donnait sur ses adeptes une autorité morale, depuis atteinte à sa source même, mais qu’elle possédait alors dans toute sa plénitude.

Sur une base, religieuse en même temps que sociale, s’élevait un vaste édifice, où le droit s’appuyait sur l’immutabilité du fait historique, où le passé se liait indissolublement à l’avenir. La royauté, expression de ce droit primordial, devenait ainsi la source incommutable de tous les autres droits ; d’elle seule émanaient les libertés publiques,