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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

opposées eussent inspiré des idées différentes auxquelles on ferait les mêmes sacrifices.

C’est qu’il y a encore en France des partis, c’est-à-dire des agrégations d’individus liés par des intérêts et des engagemens communs, mais qu’il n’y a plus d’école, ou d’agrégations d’idées.

Comment n’en serait-il pas ainsi, quand depuis cinquante ans on voit les principes aboutir presque toujours à des conséquences fort opposées à celles que l’esprit en déduisait dans des méditations solitaires ? Qui a établi en France un despotisme dont on ne trouve d’exemple qu’en remontant aux monarchies de l’Asie ? Napoléon, lequel régnait, comme les Césars romains, en vertu de la souveraineté du peuple. Qui a fondé, après tant d’impuissantes tentatives, une liberté sérieuse, et l’a fait entrer dans nos mœurs au point de ne pouvoir plus lui résister ? La maison de Bourbon qui régnait par le droit divin. Quoi de moins logique que le pouvoir actuel, si l’on remonte à son origine, placée à la fois en dehors de la majorité numériquement consultée et de la transmission héréditaire ? Et ne résiste-t-il pas cependant, tout irrationnel qu’il puisse être, à des attaques infiniment plus énergiques que celles devant lesquelles la légitimité disparut deux fois en quinze années, avec son dogme séculaire ?

C’est là ce que devraient comprendre les écrivains qui s’imposent chaque matin la tâche facile d’argumenter contre le pouvoir actuel, par ce qu’ils nomment les conséquences de son principe, tout en restant impassibles et sans entrailles, en face des dangers de l’ordre social, du moment où ces dangers sont les résultats bien déduits d’un prétendu syllogisme. Misérable méthode où triomphent les petits esprits, en alignant des idées politiques comme des théorèmes de géométrie ! argumentation chétive qui indique une méconnaissance aussi complète des temps passés que du temps présent !

Si la fumée des passions ne portait à la tête et ne fascinait la vue, si l’on pouvait, dans ces jours d’excitation continue et violente, se livrer à une méditation calme et sincère de l’histoire, on y verrait, en effet, que c’est toujours par l’exagération de son principe, et jamais par ce principe lui-même, que périt un pouvoir ; qu’ainsi, par exemple, les conséquences déduites du droit immuable des princes ont suscité, contre la maison de Stuart et la maison de Bourbon, des dangers bien plus redoutables, et plus immédiats surtout, que ceux que portait en soi le dogme menaçant de la souveraineté populaire.

Puis, ils ne devraient pas ignorer, ces argumentateurs casse-cou, que si la logique est chose puissante là où il existe une foi sociale et des