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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

bre est donc le principe et la règle unique du droit. On croit seulement avoir découvert dans l’histoire la preuve que cette force aveugle se modifie incessamment dans son action, puisque, parti de l’état sauvage, l’homme est parvenu à l’état de civilisation, comme l’être organisé, qui de l’aspiration d’un parfum s’élève à la notion du juste et du beau. On organise, en conséquence, la force motrice ; on en étudie les divers mécanismes, on les combine dans des proportions savamment calculées ; et le siècle qui, en métaphysique, partit de Locke pour arriver à d’Holbach et à Helvétius, aboutit, en politique, à la Gironde, après avoir été disciple de Rousseau et de Mably, de l’école anglaise et de Montesquieu.

Si nous joignons ces noms, on comprend que ce n’est pas pour les confondre. Il y eut dans le xviiie siècle deux tendances très distinctes : l’une, représentée par Rousseau, se préoccupait plus des principes généraux que des formes politiques ; ce fut celle de la majorité de l’Assemblée constituante ; l’autre, représentée par Montesquieu, s’inquiétait plus des formes constitutionnelles que des principes abstraits ; cette tendance caractérisa l’une des fractions de cette assemblée. Mais ces deux écoles se tenaient par une foi commune en l’efficacité des principes et des formes politiques, au-delà desquels elles n’élevaient guère leurs pensées ; et c’est par-là qu’elles sont l’une et l’autre filles du dernier siècle, et l’une et l’autre également étrangères au temps actuel.

Si l’on jette en effet un regard sur le monde philosophique, ne comprend-on pas que l’intelligence humaine poursuit une autre tâche que dans les derniers âges ? L’inanité des hypothèses semble avoir lassé les plus hardis courages, et l’on renonce, comme de concert, à entamer ces rochers de cristal, contre lesquels se sont émoussées les dents du serpent de la science et de l’orgueil. L’origine des facultés humaines, leur classification et leurs lois, le principe de la certitude, tous ces redoutables problèmes paraissent en ce moment abandonnés, non que l’homme les ait dépassés, mais parce qu’il recule devant eux pour suivre une autre route. Au lieu d’un travail stérile sur sa pensée, l’esprit humain commence à recueillir pièce à pièce les matériaux d’une large et compréhensive philosophie de la nature et de l’histoire ; il se baigne dans l’océan des traditions, il remonte à la divine origine de la vie et de la parole ; et qui voudrait le claquemurer de nouveau dans l’étude des phénomènes psychologiques, et le charger encore de la pierre de Sisyphe, y consumerait vainement ses veilles et son génie.

Il n’est pas besoin de faire remarquer que cette universelle incroyance aux théories, que cette disposition à renfermer désormais la science