Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/200

Cette page a été validée par deux contributeurs.
192
REVUE DES DEUX MONDES.

nous appartiennent, si l’opinion publique n’était pas fixée depuis long-temps sur leur compte. Il serait injuste de ne point leur adjoindre Jonathan Edwards, métaphysicien de l’école écossaise.

Aux yeux de l’Europe, toutefois, il n’y a que deux représentans intellectuels des États-Unis : Irving et Cooper. Les Anglais ont de l’estime, et non sans raison, pour un ou deux romanciers secondaires ; pour Charles Brockden Brown, auteur de Carwin et de Wieland, écrivain assez énergique, qui imite l’anatomie sentimentale et l’énergie concentrée de Godwin ; et pour miss Sedgwicke, auteur de Hope Leslie.

Il est incontestable que le succès de Walter Scott a éveillé le talent de Cooper. Seul, et que cet honneur lui soit rendu, il a su choisir le côté saisissant de la vie américaine. Officier de marine, il a merveilleusement reproduit le combat de l’homme avec l’océan ; il a montré le navire, être vivant, luttant avec la nature et la tempête et l’ennemi. Il s’est enfoncé dans les forêts primitives ; il a peint, si ce n’est avec une vérité complète et précise, au moins avec une énergie virile et frappante, le développement des caractères humains dans la solitude. Quant à la société civilisée, il ne l’a jamais décrite sans un insuccès complet et fatal à sa réputation.

La Hollande et l’Écosse ont contribué à la formation du caractère américain : l’amour du foyer domestique et des vertus de ménage distingue également ces deux pays. Aussi trouve-t-on dans les pages de Washington Irving, et surtout dans un petit roman de Paulding intitulé le Coin du feu du Hollandais, un sentiment vif et puissant de ce home, de ces jouissances intérieures, de ce bonheur paisible, de cette existence retirée, calme et contemplative. Le puritanisme, avec sa sévérité biblique, développait ce sentiment de la vie domestique ; et dans les cantons où l’agriculture règne encore, dans les provinces que le commerce n’a pas envahies, on trouve mille débris de l’existence patriarcale. Irving l’a reproduite avec un grand bonheur dans quelques-uns de ses essais. Mais, chose singulière ! ce ne sont pas ces écrivains qui sont les vrais organes de la semi-civilisation américaine : Audubon, dans un magnifique ouvrage sur les oiseaux ; Châteaubriand ; Campbell, dans son admirable poème (Gertrude of Wyoming), ont peut-être mieux fait comprendre à l’Europe la beauté, la nouveauté, la singularité