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vation : elle ressemblerait aux inspirations premières de la muse slave et lithuanienne, si cette dernière n’était ingénue comme un enfant, et simple comme le chant de l’oiseau des bois. J’aime la naïveté du berceau ; le garçon de boutique peut être simple sans prétendre qu’on l’admire. C’est quelque chose de délicieusement suave que les petites odes lithuaniennes, si courtes, si mélodieuses, si gracieuses, qui émanent d’un sentiment tendre, et s’exhalent d’un cœur paternel, d’une émotion filiale, d’un souvenir de mère. Aucun des grands mouvemens de la vie civilisée n’a encore diversifié ce tissu primitif des affections humaines, cette naïveté charmante, qui jaillit d’un terrain fécond et vierge encore. La poésie américaine, au contraire, est revenue à la naïveté par la stérilité ; c’est une poésie d’économie et de jeûne, une poésie pénitentiaire.


Un autre poète[1] adresse la pièce suivante à un enfant fatigué d’avoir joué.


« Tu as bien joué ! et te voici las ! Qu’as-tu donc fait pendant le jour entier ? Tous les êtres ont accompli leur destin de la journée : les oiseaux se taisent ; l’abeille ne murmure plus ; le soleil glisse en se perdant au sommet de l’arbre, au sommet du clocher ; la colombe a fui sous son ombrage protecteur ; les feuilles épaisses cachent les nids qu’elles abritent : voici le crépuscule ; enfant ! qu’as-tu fait de ta journée ?

« Que vas-tu dire à ta mère, quand tu reviendras près d’elle ? Ce que ta petite voix lui avait promis le matin, l’as-tu fait ? As-tu pardonné ? as-tu aimé ? Ton camarade a-t-il reçu de toi d’heureuses et douces paroles ? Dans les bois, au bord des ruisseaux, quel enseignement as-tu recueilli ?

« Va ; une soirée arrivera, la soirée du grand jour : tu seras las encore, mais non d’avoir trop joué ! Ton corps pliera, tes yeux se fermeront comme aujourd’hui. Tu diras : « Pourquoi l’ombre est-elle si lente à se répandre ? je voudrais, je voudrais dormir ! » Dieu veuille qu’alors ton front soit pur comme aujourd’hui, pur de péché et de honte ! Quel compte auras-tu à rendre de ta journée, la

  1. N. P. Willis.