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DE LA LITTÉRATURE AUX ÉTATS-UNIS.

worth. Vous retrouverez chez Bryant le calque de Campbell ; chez Percival l’imitation de Byron ; chez Dana, celle de Wordsworth. Vous diriez qu’un écrivain des États-Unis ne peut être lui-même. Il faut aussi reprocher aux hommes de ce pays le peu de mobilité de leur imagination. La plupart épuisent un sujet ; ils marchent ; leur pas est grave, égal et monotone ; ils ne savent ni s’arrêter, ni s’élancer.

Citons quelques fragmens de poésie américaine :

Les leçons d’une Mère.

« — Qu’est-ce que cela, mère ?

— Mon fils, c’est l’alouette ! À peine le matin a souri sur la montagne, elle part d’un élan, et quitte la mousse de son nid. Elle part, et la goutte de rosée brille encore sur son sein ; elle part, et l’hymne de joie jaillit déjà de sa poitrine ; hymne d’amour, qui chante le Créateur. Toujours, mon fils, que les chants de ta matinée soient un hymne au Dieu de bonté !

— Qu’est-ce que cela, mère ?

— Mon fils, c’est la colombe ! Entends-tu ? sa voix est tendre, sourde, plaintive, comme le pleur[1] du veuvage. Elle attend le retour du bien-aimé, et son gémissement est continu comme le bruissement de l’onde qui s’écoule. Toujours, mon fils, sois, comme elle, fidèle à tes amitiés, constant dans tes amours.

— Qu’est-ce que cela, mère ?

— Mon fils, c’est l’aigle ! Orgueilleux et joyeux, il monte dans le ciel. Sûr de sa force, l’enfant des montagnes fend la nue orageuse et brave l’éclair rougissant. Son aile puissante lutte contre le vent ; son œil de feu s’arrête sur le soleil. Il va, il va toujours ; son vol est droit et rapide. Toujours, toujours, mon enfant, puisse ta vie imiter le vol de l’aigle ; rapide, hardie, puissante, invariable, infatigable, inflexible ! »

Ces stances, assez jolies, sont de M. Doane, ministre unitairien.


Cette poésie domestique a du charme ; elle n’a point d’élé-

  1. Bossuet a employé ce mot au singulier.