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de près, et cette poésie est à peu près la seule qu’ait vomie le volcan de juillet, sitôt refroidi. Mais n’est-ce pas une triste révélation de ce qui nous manque ? Où sont les hymnes à la foi nouvelle, les cantiques d’espérance infinie et d’universel amour qui semblaient près de retentir ? Depuis cinq ans, la poésie n’a trouvé sur la situation actuelle de la société que les invectives de la Némésis et des Iambes.

Quoi ! ne s’élèvera-t-il pas des voix plus consolantes ? Faut-il que la poésie désespère de la société, ? faut-il tomber de l’illusion qui saluait l’avenir avec tant de confiance dans la colère, et de la colère dans le désenchantement ?

C’est du moins ce qu’a fait la muse de M. Barbier ; c’est ce découragement des choses, né du désabusement des hommes ; c’est cette mélancolie sociale, pour ainsi parler, qui lui a inspiré, après l’emportement des Iambes, ces lamentations sur l’Italie qu’il a intitulées il Pianto. Après avoir fouillé des plaies vivantes, le poète est allé soulever le linceul d’une nation morte ; et dans son voyage à travers le pays du beau, cette inspiration lugubre n’abandonne nulle part celui qui s’est donné pour mission de mettre le doigt dans toutes les blessures. Au Campo Santo de Pise, sur la plage de Naples, au milieu des lagunes de Venise, il peint le hideux, le vide du présent, avec verve, avec une sorte de complaisance et peut-être d’affectation. Quelques gracieux retours vers l’époque de l’art et de la foi ne paraissent là, de loin en loin, que pour mieux faire contraste avec une époque sans art et sans foi. De ce point de vue sévère et désenchanté, Rome doit apparaître dans toute sa tristesse, et pour ainsi dire dans toute sa nudité. N’attendez point que ses ruines et ses habitans vous soient présentés à travers le prisme de l’enthousiasme. Rome vous sera peinte grande encore, mais isolée comme elle l’est véritablement de son passé. Ce sera la Rome des haillons et des gueux, une Rome sale, mendiante, fiévreuse ; l’auteur se placera au Forum, qu’il aura soin d’appeler de son ignoble nom moderne, le Champ des Vaches (Campo Vaccino). Il y montrera :


Le temple de la paix aux trois voûtes jumelles,
Immense, et laissant voir par un trou dans le fond
Le cloaque de Rome et son gouffre profond.
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