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multipliés, qu’il serait impossible de s’y arrêter sans dépasser les bornes de ce recueil. D’ailleurs nous rencontrerions peu de points de vue nouveaux en visitant un lieu tant de fois décrit ; il est bien difficile de ne pas retomber dans les descriptions que d’autres en ont faites : alors l’enthousiasme n’est qu’une redite ; on croit sentir, on ne fait que se rappeler.

Je n’ai pas à parler des livres consacrés à faire connaître Rome, plus qu’à manifester les impressions de leurs auteurs. Tels sont l’indispensable indicateur de M. Valery, les spirituelles Promenades dans Rome de M. Beyle, avec qui c’est un si grand charme de s’y promener réellement, et qui serait plus à sa place professant à Paris l’histoire de la peinture, qu’enterré dans son triste consulat de Civita-Vecchia. Enfin le vaste et profond ouvrage (Die stadt Rom), où le représentant de la Prusse près le Saint-Siège, et de la science allemande près l’antiquité, M. de Bunsen, aidé de ses doctes amis, applique avec tant de sagacité l’érudition et la critique de l’école de Niebuhr à l’illustration des monumens romains.

Mais pour être complet, il faut dire un mot de quelques hommes de notre génération qui ont parlé de Rome sous l’empire des sentimens politiques contemporains ; je choisirai M. Delavigne, M. Didier, auteur de Rome souterraine, M. Barbier, auteur du Pianto.

Le libéralisme généreux, mais incertain et un peu timide de l’opposition littéraire sous la restauration (j’excepte Courrier et Béranger), ce libéralisme a été la muse politique de M. Delavigne ; image assez fidèle de cette opposition qui flottait entre les souvenirs non encore ravivés de 89 et les souvenirs plus récens de l’empire, la muse de celui qui fut notre poète à tous au sortir du lycée impérial, ou du lycée Napoléon, a commencé par le dythirambe sur la naissance du roi de Rome, et a fini par la Parisienne. Sur sa route elle a pleuré Waterloo, salué la Grèce renaissante, évoqué l’Italie au tombeau ; toujours indépendante et pure, mais un peu détournée dans ses attaques et indécise dans ses tendances, comme la France d’alors ; mêlant les conseils aux censures, arrivant à l’épigramme par l’allusion ; et pour en venir à ce qui nous occupe, poursuivie de ses rancunes discrètes contre les rois jusque sur les