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PORTRAITS DE ROME.

point de beauté surprenante ; mais plus on y séjourne, plus on y découvre de choses qui méritent d’être considérées. Saint-Pierre passe pour le plus vaste et le plus superbe temple du monde : pour le bien juger, il y faut aller souvent ; il faut monter sur les voûtes et se promener partout, jusque dans la boule qui est sur le dôme. Il faut voir aussi l’église souterraine : d’abord on ne trouve rien qui paraisse fort étonnant ; la symétrie et les proportions bien observées de l’architecture ont si bien mis chaque chose en son lieu, que cet arrangement laisse l’esprit dans sa tranquillité ; mais plus on considère ce vaste bâtiment, plus on se trouve engagé dans la nécessité de l’admirer. »

La franchise du président Misson, qui ne comprenait rien à la peinture de Michel-Ange et de Raphaël, a devancé celle d’un de nos contemporains, M. Simon, qui se trouvait absolument dans le même cas que le président. Les blasphèmes de M. Simon ont paru une grande nouveauté ; ceux qui se les rappellent les retrouveront presque avec les mêmes expressions dans le passage suivant, écrit en 1688.

« Se peut-il voir plus de bizarrerie et une ordonnance plus fantasque que celle du Jugement de Michel-Ange ? On y voit des anges sans ailes ; on y voit le batelier Caron qui passe des âmes dans sa barque ; on y voit des ressuscités de tout âge, et tout musclés comme des Hercules ; des nudités en profusion, et des corps exposés avec indécence[1]. » On a beau être étrange, on n’est pas sûr d’être original ; il n’est paradoxe si audacieux qui ne coure le risque d’être une redite.

Duclos a écrit un voyage en Italie plein de ce bon sens ferme et fin qui est chez lui si remarquable. On ne peut craindre de sa part aucune sorte d’engouement. Lui aussi fait justice de l’admiration banale des voyageurs ordinaires pour l’entrée de Rome par la porte du peuple. Duclos est peu touché des arts ; ce qu’il dit de plus admiratif est cette phrase sur Saint-Pierre : « À l’égard de Saint-Pierre, le premier sentiment que la place, la colonnade, l’obélisque, les deux gerbes d’eau et le temple excitent dans l’âme est celui de l’admiration, que l’examen ne détruit point. » Il ajoute : « Il n’y a

  1. Voyez plus loin le voyage de Simon en Italie.