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Louis xiv. Il prélève, il est vrai, sur une population de trois millions d’habitans une liste civile assez notable, environ sept millions de francs ; mais cela ne suffit pas encore pour subvenir à ses dépenses. Il faut qu’il ait recours à des moyens extraordinaires, à des emprunts forcés, parfois même à des exactions. En attendant, il oublie complètement pour une ville comme Munich les choses de première nécessité. Il a construit, pour le plaisir d’inscrire sur les murailles, au-dessus de quelques fresques, ses mauvais vers allemands, il a construit un grand bazar où personne ne va, où vous ne trouveriez pas plus de trois marchands et un mauvais café, et vous chercheriez en vain dans toute la ville une halle, un marché couvert. Lui qui dépense des millions pour se bâtir un palais de fantaisie, n’a pas eu quelques milliers de florins à donner pour mettre à l’abri les laboureurs qui apportent leurs denrées à la ville. Il est allé jeter au milieu de la campagne sa Glyptothèque et sa Pinakothèque, comme pour dire à la ville : Tu viendras jusqu’ici ; et la malheureuse ville aura beau se tirailler en tout sens, elle n’ira jamais jusque-là ; elle a déjà plus de maisons qu’il ne lui en faut, et les rues commencées ne s’achèvent pas, car ce n’est ni une ville de commerce, ni une ville d’industrie : c’est une pauvre ville royale qui ne se soutient que par les fonctionnaires, la cour et la garnison. Versailles pouvait devenir une ville splendide avec de telles ressources ; Versailles était au xviiie siècle le rendez-vous de l’Europe ; mais Munich !… Ainsi, à prendre la question sous ce point de vue rationnel et pratique, cet amour des arts, ce besoin d’élever des monumens qui pouvait être, chez Louis xiv et chez Napoléon, une grande et noble pensée avec les immenses ressources qu’ils possédaient, n’est, chez le petit roi de Bavière, qu’une dure ténacité d’égoïsme, une misérable envie de s’illustrer au détriment du bien-être matériel de ses peuples. Et voilà cependant ce que M. Saint-Marc Girardin loue avec emphase. Quand son article parut dans les Débats, il fut répété par les journaux de la Bavière, empressés à faire leur cour au pouvoir. Le roi le déclara charmant, mais les Munichois haussèrent les épaules.

Si de la partie politique nous passons à la partie littéraire, nous verrons que, pour être plus variée, elle n’est ni plus riche ni mieux pensée.

Le conte de Marino Faliero arrive un peu tard après l’élégante traduction d’Hoffmann de M. Loève-Veimars, et les nombreuses appréciations que l’on a faites du romancier allemand.

Les Chants de Koerner ont été aussi traduits maintes fois.

La Légende de Cologne, quoique arrangée avec esprit, n’est pas complète. Il y en a encore deux autres dans les traditions allemandes des frères Grimm.