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POÉSIES POPULAIRES DE LA BRETAGNE.

riaux, notre société couche à la belle étoile, mal protégée par de vieilles toiles arrachées à l’ancien édifice, à grand’peine recousues, et sur lesquelles des législateurs ont écrit je ne sais quel nom, que chacun répète. Mais ce bivac n’est point la demeure définitive. Après de longues et pénibles marches dans le désert, après avoir vaincu les obstacles, commis bien des fautes, oublié bien des fois son Dieu et adoré le veau d’or, le genre humain arrivera enfin à la terre promise, et, plus heureux que les Hébreux, il n’y trouvera point d’ennemis à combattre.

En attendant, ayons foi et espérance, nous qui marchons encore sous le poids du jour, et qui ne verrons peut-être pas le soleil de Josué. Pour croire à l’avenir, étudions le passé et marquons de combien de pas nous avons devancé nos pères. Surtout ne craignons pas de revenir à la route qu’ils suivaient, nous lui avons tourné le dos à jamais.

Après avoir passé par l’état de famille, de tribu, de peuple, et enfin de nation, il ne nous reste plus qu’à accomplir la grande coopération universelle. L’être social a jusqu’ici procédé par agrégations. Grain de sable d’abord, puis rocher, puis montagne, il doit devenir, quelque jour, un globe immense qui absorbera tout dans sa vaste gravitation. Or, le jour où ce but sera atteint est déjà proche ; car voilà que la montagne a grandi, voilà qu’elle prend une forme ; il ne lui faut plus qu’un axe pour qu’elle devienne un monde, et, cet axe, nous en avons déjà trouvé les deux pôles, et nous leur avons donné leurs deux grands noms : Liberté, Association.


Émile Souvestre.