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REVUE. — CHRONIQUE.

Magalon autour de la table de rédaction de l’Album où l’on retrouverait encore de belles pages de M. Thiers ? Ne sait-il pas, comme nous, que Magalon n’avait pas écrit une ligne des articles qui motivèrent les persécutions de M. de Corbière, et que nous tous, les vrais coupables, condamnés à l’impunité par la loi, nous restâmes paisiblement dans nos demeures, tandis que Magalon cheminait sur la route de Poissy, enchaîné au bras d’un hideux galérien, dévoré par la gale ? Est-ce donc sous le ministère de M. Thiers que devait s’élever une réclamation du genre de celle de Mme Lionne ? devait-on s’attendre à voir son nom, charbonné de la main des prisonniers, sur les murs des cachots, près du nom de M. de Corbière ?

Que dire après cela des déclamations de MM. Liadières et Fulchiron sur la littérature et les arts ? l’odieux efface le ridicule.


— L’étude de notre ancienne littérature des xiie, xiiie et xixe siècles prend de jour en jour plus de développement, et les monumens et pièces qui s’y rapportent ne cessent de se publier dans un nombre croissant, grace au zèle et au concours de quelques érudits. Nous avons eu déjà occasion de recommander les publications si soignées de M. Paulin Paris. M. Francisque Michel s’est fait honneur et a rendu de véritables services à notre vieille littérature par les éditions excellentes qu’il a données, soit seul, soit de concert avec M. de Monmerqué ; par ses publications du Comte de Poitiers et du Roman de la Violette principalement. M. Chabaille vient de publier une branche nouvelle du Roman du Renard, avec d’importantes rectifications et variantes du texte précédemment publié par Méon ; nous reviendrons sur ce consciencieux travail. Nous ne voulons qu’appeler l’attention aujourd’hui sur les diverses pièces qu’a mises au jour, dans ces derniers temps, un jeune travailleur fort zélé en cette voie, M. Achille Jubinal. Il a publié successivement[1] : une espèce de diatribe burlesque intitulée, des Vingt-Trois Manières de Vilains, à laquelle M. Eloi Johanneau a joint un commentaire grammatical, et que nous aurions voulu voir accompagnée de quelques considérations littéraires plus générales sur le but et le sens de la pièce ; un Mystère de la Résurrection du Sauveur, ou du moins un fragment de ce mystère qui date du xiiie siècle, et sur lequel M. Magnin doit insister dans l’ouvrage qu’il consacre aux origines de la littérature dramatique moderne ; un sermon, du xiiie siècle également, en vers, qui nous a semblé plein de grace naïve et d’un rhythme agréable, et qui de plus peut jeter du jour sur la question de savoir en quelle langue les prédicateurs d’alors s’adressaient à leurs ouailles ; deux complaintes du trouvère Rutebœuf, avec une notice détaillée sur la vie et les œuvres de ce poète satirique, et souvent famélique, à en juger par ses fréquentes doléances ; enfin, sous le titre de Jongleurs

  1. Teschener, place du Louvre. — Silvestre, rue des Bons-Enfans.