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ANDRÉ.

ment et d’oubli. Il s’asseyait à son chevet, et l’endormait en la soutenant sur son cœur ; mais ce cœur palpitait de toute l’ardeur de la jeunesse et d’une passion long-temps comprimée. Chaque nuit, il espérait calmer le feu dont il était dévoré par une étreinte plus forte, par un baiser plus passionné que la veille, et il croyait chaque nuit pouvoir s’arrêter à cette dernière caresse brûlante, mais chaste encore.

Qu’y a-t-il d’impur entre deux enfans beaux et tristes et abandonnés du reste du monde ? Pourquoi flétrir la sainte union de deux êtres à qui Dieu inspire un mutuel amour ? André ne put combattre long-temps le vœu de la nature. Geneviève malade et souffrante lui devenait plus chère chaque jour. Le feu de la fièvre animait sa beauté d’un éclat inaccoutumé ; avec cette rougeur et ces yeux brillans, c’était une autre femme, sinon plus aimée, du moins plus désirable. André ne savait pas lutter contre lui-même, il succomba, et Geneviève avec lui.

Quand elle retrouva ses forces et sa raison, il lui sembla qu’elle sortait d’un rêve, ou qu’un des génies des contes arabes l’avait portée dans les bras de son amant durant son sommeil. Il se jeta à ses pieds, les arrosa de larmes, et la conjura de ne pas se repentir du bonheur qu’elle lui avait donné. Geneviève pardonna d’un air sombre et avec un cœur désespéré ; elle avait trop de fierté pour ne pas haïr tout ce qui ressemblait à une victoire des sens sur l’esprit ; elle n’osa faire des reproches à André ; elle connaissait l’exaspération de sa douleur au moindre signe de mécontentement qu’elle lui donnait, elle savait qu’il était si peu maître de lui-même, que dans sa souffrance, il était capable de se donner la mort.

Elle supporta son chagrin en silence ; mais, au lieu de tout pardonner à l’entraînement de la passion, elle sentit qu’André lui devenait moins cher et moins sacré de jour en jour. Elle l’aimait peut-être avec plus de dévouement ; mais il n’était plus pour elle, comme autrefois, un ami précieux, un instituteur vénéré ; la tendresse demeurait, mais l’enthousiasme était mort. Pâle et rêveuse entre ses bras, elle songeait au temps où ils étudiaient ensemble sans oser se regarder, et ce temps de crainte et d’espoir était pour elle mille fois plus doux et plus beau que celui de l’entier abandon.

Pour comble de malheur, Geneviève devint grosse : alors il n’y