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La commune et le comté ne sont pas constitués partout de la même manière, mais on peut dire que leur organisation repose partout sur cette même idée, que chacun est le meilleur juge de ce qui n’a rapport qu’à lui-même, et le plus en état de pourvoir à ses besoins particuliers. La commune et le comté sont donc chargés de veiller à leurs intérêts spéciaux. L’état gouverne et n’administre pas. On rencontre des exceptions à ce principe, mais non un principe contraire. La première conséquence de cet état de choses, a été de faire choisir par les habitans eux-mêmes tous les administrateurs de la commune ou du comté, ou du moins de choisir ces magistrats exclusivement parmi eux ; en un mot, élection des fonctionnaires administratifs ou inamovibilité de leurs fonctions, absence de hiérarchie administrative, et par conséquent, introduction des moyens judiciaires dans le gouvernement de la société, tels sont les principaux caractères auxquels on reconnaît l’administration américaine, depuis le Maine jusqu’aux Florides.

Il serait inutile d’exposer ici les lois qui régissent les états et le gouvernement central, car elles se trouvent dans des constitutions écrites. La plupart des formes qu’elles consacrent, adoptées en partie par plusieurs états européens, nous sont devenues familières, et nous avons surtout pour objet de saisir les traits saillans de la démocratie américaine.

Personne n’ignore que le pouvoir législatif de chaque état est divisé en deux branches, le sénat et la chambre des représentans, soumises l’une et l’autre aux mêmes conditions d’éligibilité, élues de la même manière, et par les mêmes citoyens. Indépendamment de leurs attributions, la seule différence qui existe entre elles, provient de ce que le mandat des sénateurs est plus long que celui des représentans. La loi a pris soin, de cette manière, de maintenir parmi les législateurs un noyau d’hommes déjà habitués aux affaires.

Par la division du pouvoir législatif en deux branches, les Américains n’ont pas voulu opposer une chambre héréditaire et aristocratique à une chambre élective, mais diviser la force législative, afin de ralentir son mouvement, et de créer un tribunal d’appel pour la révision des lois. Le temps et la pratique des affaires ont confirmé les avantages de cette précaution. New-York, la Pensylvanie et d’autres états, après avoir établi une seule assemblée législative, ont fini par lui opposer une seconde chambre. C’est donc par expérience, et non par une aveugle imitation du système anglais, ainsi que l’a prétendu M. Conseil, dans une introduction à la correspondance de Jefferson, que les Américains ont adopté la division du pouvoir législatif, comme un axiome de leur science politique.

M. de Tocqueville ne saurait concevoir qu’une nation, et surtout un