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LA COMÉDIE AU IVe SIÈCLE.

L’acteur chargé de réciter le prologue entre en scène et s’avance jusqu’au bord du pulpitum :

« Spectateurs, je viens dans une prose cadencée réclamer de vous attention et repos. Nous allons de nos bouches barbares vous raconter des fictions grecques et ressusciter de nos jours l’ancienne comédie latine. Nous espérons, et nous vous le demandons d’une voix soumise, nous espérons que vous nous saurez quelque gré des peines que nous prenons pour vous. Nous allons jouer aujourd’hui l’Aululaire. Ce n’est pas l’ancienne pièce de ce nom, mais une pièce nouvelle, dans laquelle nous avons marché sur les traces de Plaute. »

Il était impossible de mieux dire pour éviter toute méprise, et cependant la méprise a eu lieu. Au xiie siècle, Jean de Salisbury et Vital de Blois, qui ne connaissaient pas encore, l’Aulularia de Plaute, ont pris le Querolus pour cette ancienne pièce[1].

Le prologue, après avoir annoncé, selon l’usage, les acteurs qui vont paraître, finit sa harangue par ces mots :

« Que nul ne prenne pour soi ce que nous adressons au public, et ne se fasse une part personnelle dans des plaisanteries qui n’ont rien que de général. Que nul ne dise qu’il se reconnaît à tel ou tel trait, car tout est fiction dans notre pièce (nos mentimur omnia). C’est à vous de décider si le titre de cette pièce doit être l’Aululaire ou Querolus. Vous en jugerez. Nous n’oserions nous présenter devant vous ainsi appuyés sur un mètre boiteux (claudo pede), si nous ne suivions en cela les guides les plus habiles et les plus illustres. »

Au prologue succède un nouvel acteur. Celui-ci porte un habit blanc d’une forme bizarre. Nous n’avons pourtant nulle peine à le reconnaître : le prologue nous a prévenus que nous allions voir d’abord le dieu Lare. Ce personnage était ici nécessaire pour lier

  1. Cette méprise est d’autant plus étrange, qu’indépendamment de cette déclaration du prologue, rien dans le Querolus, ni les mœurs, ni le style, ne sont du siècle de Plaute : Cicéron, et Apicius y sont cités, et on y rencontre un vers entier de Martial.