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LA COMÉDIE AU IVe SIÈCLE.

Tragédie.

Je dois d’abord convenir que les passages qui font bien évidemment allusion à la tragédie véritable, deviennent de plus en plus rares depuis le iie siècle jusqu’au ive, et que l’on cesse absolument d’en rencontrer après la première moitié du ve siècle.

En effet, ce genre de drame, dans les proportions gigantesques qu’il avait reçues dès son origine et qu’il avait conservées, ne produisait, à grand renfort de dépenses, que des émotions de terreur poétique et de pitié idéale, qui répondaient de moins en moins aux dispositions des masses. Vous savez que pour élever la mise en scène au niveau du grandiose de la poésie des Eschyle et des Sophocle, l’acteur tragique grandissait sa taille au moyen du cothurne. Quelquefois même, comme le prouvent quelques monumens, entre autres une mosaïque du iie siècle, publiée par M. Millin, l’acteur montait sur des espèces d’échasses ou de supports cylindriques, appelés par les écrivains[1] qui les ont décrits ἐμϐάς ou ὀϰρίϐας. Un masque énorme, semblable à un casque, enveloppait toute la tête. Le front de ce masque était surmonté d’une éminence en forme de lambda, d’où pendait une chevelure abondante, comme on en vit chez nous au temps de Louis xiv ; on appelait ὄγϰος ce sommet conique, qui alongeait encore le masque. La bouche offrait une immense ouverture. Les yeux étaient deux grands trous par où entrait la lumière ; ils ne répondaient pas aux yeux de l’acteur, qui voyait par l’ouverture de la bouche et des narines. Et ce ne fut pas assez d’élever ainsi la taille ; il fallut ajouter aux autres membres pour prévenir leur disproportion. De là les ventres postiches que décrivent si plaisamment Lucien[2] et le pseudo-saint Justin[3] ; de là, les alonges, ou fausses mains, χειρίδιες, assez semblables aux gants rembourrés, aujourd’hui en usage dans nos salles d’armes : telles étaient, en abrégé, les pièces singulières dont se composait l’affu-

  1. J. Pollux, Lucien, Philostrate.
  2. Jupit. tragi.
  3. Lettre à Zena et Serenus.