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LA COMÉDIE AU IVe SIÈCLE.

repoussans que ce qui blesse le plus nos organes (stercora). Et néanmoins lorsque vous entendez de pareils chants au théâtre, non-seulement vous n’en éprouvez nulle peine, mais vous en riez : loin d’éprouver pour eux de l’éloignement et de l’horreur, vous les retenez dans votre mémoire et vous les louez. Que ne descendez-vous donc aussi sur l’orchestre ? Que n’imitez-vous ce que vous approuvez ? Allez seulement en public avec ces gens qui vous font rire ; vous en rougiriez. Pourquoi donc estimez-vous tant ce que vous auriez honte de faire ? Quoi ! les lois des gentils déclarent ces gens infâmes, et vous allez en foule, avec toute la ville, vous répandre dans leurs théâtres, comme si c’étaient des ambassadeurs ou des généraux d’armée ! et vous voulez avec tout le monde remplir vos oreilles des ordures qui sortent de la bouche de ces bouffons !… Que dirai-je du bruit et du tumulte de ces spectacles ? de ces cris et de ces applaudissemens diaboliques ? de ces habits qu’il n’y a que le démon qui ait inventés ? On y voit un jeune homme, qui, ayant rejeté ses cheveux derrière sa tête, prend une coiffure étrangère, dément ce qu’il est et s’étudie à paraître une fille dans ses habits, dans son marcher et dans ses regards. On y voit un vieillard qui, ayant perdu toute pudeur, avec ses cheveux qu’il a fait couper, se ceint la taille, s’expose à toutes sortes d’insultes, et se montre prêt à tout dire, à tout faire et à tout souffrir. On y voit des femmes qui ont essuyé toute honte, paraissent hardiment sur le théâtre devant le peuple et semblent avoir fait une étude de l’impudence ; des femmes qui, par leurs regards et leurs paroles, répandent le poison de l’impudicité dans les yeux et dans les oreilles de tous ceux qui les voient et les écoutent, et qui semblent conspirer, par tout l’appareil dont elles s’environnent, à détruire la chasteté, à déshonorer la nature, et à se rendre les organes visibles du démon, dans le dessein qu’il a de perdre les ames ; enfin, tout ce qui se fait dans ces représentations malheureuses ne porte qu’au mal : les paroles, les habits, le marcher, la voix, les chants, les regards, les mouvemens du corps, le son des instrumens, les sujets mêmes et les intrigues des pièces, tout est plein de poison, tout y respire l’impudicité[1]. »

  1. Homel. 38e sur le iie chap.  de S. Matth.