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porter les statues des dieux enlevées des sanctuaires et notamment le fameux trépied de Delphes où l’on voyait une figure ciselée d’Apollon.

Sous les successeurs de Constantin, il s’opéra une sorte de réaction favorable au polythéisme, réaction qui s’appuya sur la seule force réelle qui restât encore à l’idolâtrie, sur l’attachement profond que conservait le peuple romain pour les spectacles[1].

Par une anomalie singulière, le plus emporté des adversaires du christianisme, Julien, qui détrôna un moment la foi nouvelle, eut une antipathie non moins violente pour les divertissemens du théâtre que pour le christianisme lui-même. Cette austérité philosophique, qu’il tenait peut-être, à son insu de son éducation chrétienne et des fonctions de lecteur qu’il avait exercées, étant enfant, dans l’église de Nicomédie, priva ses tentatives de restauration polythéiste de leur unique chance de succès. La révolution qu’il tenta eut contre elle tous les chrétiens et la plupart des païens, plus attachés aux plaisirs scéniques et sensuels qu’à l’immolation des victimes et aux cérémonies mystiques.

La première victoire remportée par le christianisme sur les théâtres date des règnes de Gratien et de Valentinien. Ce ne fut qu’à cette époque que le clergé chrétien se crut assez fort pour réclamer ouvertement des empereurs une mesure évidemment impopulaire, l’abolition des jeux et des spectacles. Ce n’est que sous les règnes de ces deux empereurs que commencèrent les attaques formelles, systématiques, en quelque sorte officielles, du christianisme contre le théâtre païen. Jusque-là, l’église, par la voix des conciles et des Pères, s’était bien élevée contre le théâtre, mais elle ne s’était encore adressée qu’à la conscience des fidèles. Le concile d’Elvire en 313, celui d’Arles en 314, avaient

  1. La teneur de ce décret est remarquable : « Quoique toute superstition doive être abolie, néanmoins nous voulons que les temples situés hors des murs subsistent, et ne soient ni abattus ni dégradés ; car puisque plusieurs de ces temples sont la source d’où les jeux du théâtre et du cirque tirent leur origine, il ne convient pas de détruire ces lieux d’où vient la solennité des divertissemens dont jouit de tous temps le peuple romain. Donné le 1er jour de novembre sous le 4e consulat de l’empereur Constantius, et sous le 3e de l’empereur Constans. » Cod. Theodos., lib. iii, tit. x, de Paganis.