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Au reste, cet antagonisme de deux idées n’est pas un phénomène particulier au ive siècle. Ici seulement la lutte est plus éclatante, les champions plus illustres, la solution plus imminente ; mais le duel des idées est la loi de tous les siècles. Dans ces derniers temps, une école philosophique, je dirai, si l’on veut, religieuse, qui a soulevé de hautes questions et commencé d’utiles travaux dont il est à désirer que la science accepte l’héritage, a établi une distinction que je crois peu exacte entre les siècles d’antagonisme, ou époques critiques, et les siècles organiques, ou époques de reconstitution. Je crois fermement, pour ma part, qu’il n’y a pas de siècles où ne se fasse à la fois ce double travail. Je pense que le combat des idées ne peut cesser un seul instant. Dès qu’une lutte est terminée par le triomphe d’un des principes belligérans, de nouvelles idées se rangent en bataille. Ainsi, même avant que la civilisation chrétienne eût complètement triomphé au ve siècle, une nouvelle lutte s’engageait entre la barbarie occidentale et la civilisation romano-chrétienne. S’il est quelques époques où l’on n’aperçoive pas clairement cette guerre des intelligences, la faute en est à l’inattention ou au manque de perspicacité des historiens ; mais la lutte intellectuelle existe : le mécanisme social ne peut pas plus se passer de l’antagonisme des idées, que la mécanique céleste de l’attraction.

Revenons au ive siècle.

Au commencement de ce siècle, l’idée chrétienne était arrivée avec Constantin à la puissance politique ; elle continua de grandir par la parole, par la science, par les arts, par tous les genres de poésie, même de poésie dramatique. Je n’ai pas aujourd’hui à dérouler ce beau spectacle. Ce que je veux montrer, c’est, au contraire, la résistance, la ténacité, les derniers combats de l’idée en retraite, de l’idée vaincue, de l’idée en décadence. Nous allons voir le paganisme expirant recueillir ses forces, soit pour ressaisir le pouvoir politique, ce qu’il parvint à faire un moment sous Julien, soit pour conserver la seule position qu’il pût encore défendre, l’empire qu’il exerçait, depuis mille ans et plus, sur l’imagination humaine.

Il semble aux esprits exacts, qui n’admettent que des divisions nettes et tranchées, qu’après la victoire si décisive rem-