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Vivent les princes protestans, vive Paris, vive le roi de Prusse, acclamations décelant l’instinct d’un peuple qui voulait réunir la religion, la liberté et la puissance. Dresde prit feu de son côté. Enfin, le 13 septembre 1830, un décret royal annonça l’adoption que faisait le roi du prince Frédéric, en qualité de co-régent (mit-regent), et la renonciation du prince Maximilien au trône en faveur de son fils. En même temps, M. de Lindenau était nommé premier ministre. M. de Lindenau représente la liberté loyale et modérée dont voudrait jouir le tiers-état de la Saxe ; il a l’amour du bien, l’expérience des affaires, la connaissance des théories et des constitutions, l’esprit élevé. S’il savait plus les hommes, s’il se défiait davantage de leurs passions mauvaises, et luttait contre elles avec une volonté plus ferme, on pourrait l’appeler un grand homme d’état. La constitution nouvelle, en établissant deux chambres, leur a refusé le droit d’initiative dans le pouvoir législatif, et ne leur a octroyé qu’une faculté fort restreinte d’ajourner leur consentement aux impôts.

Dresde n’a pas été nommée sans justice la Florence de l’Allemagne. Dans ces deux villes, l’art est la consolation d’un éclat politique éclipsé. Le musée saxon regorge de beautés et de chefs-d’œuvre ; là seulement on connaît le Corrège, et l’on reçoit de ces miracles de la couleur une révélation nouvelle de la puissance de l’art. Dresde est une ville ouverte et riante comme la capitale d’un grand empire qui n’aurait rien à redouter, ou plutôt elle est ouverte comme un champ de bataille, et semble une proie riche et facile à la merci d’un vainqueur. Le peuple saxon n’a pas tant l’ambition de la prépondérance politique que l’amour de sa foi et de ses mœurs religieuses. Il a donné la réforme à l’Allemagne, et veut en garder dans ses foyers l’autorité souveraine. Il supporte difficilement le catholicisme de ses princes ; entre lui et la maison royale la différence du culte a répandu une froideur qui sera mortelle à celle-ci. Si le prince Frédéric est populaire, c’est qu’il passe pour incliner à la réforme et vouloir l’embrasser un jour. Il faut voir chaque dimanche la famille royale assister aux pompes de la religion catholique au milieu du silence moqueur d’un peuple blessé dans sa foi. Pour comble de disgrace, la musique sacrée est chan-