Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/570

Cette page a été validée par deux contributeurs.
564
REVUE DES DEUX MONDES.

pour faire le tour de la presqu’île de Boothia, et s’étaient transportés, pour la plupart, sur les bords de la mer de l’ouest, dans l’espoir de l’y voir bientôt paraître. Ils ne revinrent qu’au mois d’avril 1831, et les anciennes relations d’amitié entre eux et l’expédition reprirent leurs cours, quoique un peu moins fréquentes et privées surtout de ce charme de la nouveauté qu’elles avaient eu dans l’origine. Les mois de mai, juin, juillet et août s’écoulèrent sans autres événemens remarquables que quelques excursions dans l’intérieur, dont une seule mérite d’être mentionnée ici, ayant eu pour but la solution d’un des plus importans problèmes qui aient jamais occupé les physiciens, la détermination du pôle magnétique. Les expéditions précédentes s’étaient activement occupées de ce problème et Parry, dans son premier voyage, avait approché plus près de la vérité que ses prédécesseurs. Le commandant Ross, dans l’excursion dont nous parlons, se convainquit, par une suite d’expériences qui ne sont pas de nature à être rapportées ici, qu’il était enfin arrivé sur le lieu même où la nature a placé le centre de cette force mystérieuse qui joue un si grand rôle sur notre globe. La latitude de ce lieu est 70° 5′ 17″ N. et sa longitude 96° 46′ 45″ O. Ceux de nos lecteurs que cette question intéresse, trouveront sur ce sujet tous les détails désirables dans un mémoire présenté à la Société royale de Londres par le capitaine Ross, et inséré dans les Transactions de cette société pour l’année 1834.

Quant à l’état moral de l’expédition, quoiqu’il soit facile à nos lecteurs de s’en faire une idée, ils ne liront probablement pas sans intérêt le tableau énergique qu’en trace, en différens endroits de cette partie de sa relation, le capitaine Ross.

« Est-il rien qui puisse peindre d’une manière plus frappante notre privation absolue de tout ce qui intéresse les hommes, que d’avouer que nous trouvions du soulagement contre nos propres pensées et celles que nous échangions dans la société les uns des autres, contre cette éternelle et fatigante répétition d’observations thermométriques, de vents, de marées, de glaces, de gréement et de repas, dans la conversation de ces Esquimaux, dégoûtans de graisse et de gloutonnerie, dont nous comprenions à peine le langage, et dont les idées cependant avaient à peine besoin d’un langage quelconque pour se faire comprendre ? Et si je n’ai pas parlé jusqu’à présent de ces tourmens moraux, si je les ai passés sous silence, qu’on ne suppose pas que nous ne les avons pas éprouvés dans toute leur étendue. Nous souffrions du froid, nous souffrions de la faim, nous souffrions du travail ; et quoique nous ne soyons pas morts et que nous n’ayons pas perdu quelques-uns de nos membres, ainsi qu’il est arrivé à d’autres avant nous dans ces régions, nous avions en partage, comme le reste des hommes,