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PORTRAITS DE ROME.

Les fils de Ragnar forment le projet de prendre la ville de Rome.

« Alors ils s’embarquèrent, et ne s’arrêtèrent que lorsqu’ils furent arrivés à une ville nommée Luna[1], et ils eurent bientôt détruit toute ville et tout château dans le royaume du sud[2], et ils devinrent si fameux dans le monde, qu’il n’y avait pas d’enfant qui ne sût leur nom. Ils formèrent la résolution de ne pas s’arrêter qu’ils ne fussent arrivés à la ville de Rome. Ils avaient entendu vanter cette ville pour sa grandeur, le nombre de ses habitans, sa richesse et la célébrité de son nom. Cependant, comme ils ne savaient pas bien exactement la longueur du chemin qui y conduisait, et comme ils n’avaient pas assez de provisions pour leur nombreuse multitude, ils restèrent un temps dans la ville de Luna à parler de leur expédition. Alors vint un vieux homme à cheveux gris ; ils lui demandèrent qui il était ; il répondit qu’il était un mendiant, et qu’il avait passé sa vie à courir le monde. « Tu peux donc, lui dirent-ils, nous apprendre beaucoup de choses que nous désirons savoir ? » Le vieillard répondit : « Je ne pense pas que vous puissiez m’interroger sur un pays dont je ne puisse vous raconter quelque chose. — Nous désirons, lui dirent-ils, que tu nous dises combien de chemin il y a d’ici jusqu’à Rome. » Il répondit : « Je puis vous dire quelque chose à ce sujet. Vous voyez ces souliers de fer que j’ai aux pieds ; ils sont maintenant vieux, et ceux que je porte sur mon dos sont entièrement usés : eh bien ! quand je suis parti de Rome, j’ai mis à mes pieds ces souliers de fer, maintenant usés, que je porte sur mon dos, et j’ai toujours marché de là jusqu’ici. » Lorsque le vieillard eut dit ces choses, ils pensèrent qu’il fallait renoncer au voyage de Rome. C’est pourquoi ils se mirent en route avec toute leur armée, et prirent maintes villes qui jusque-là n’avaient jamais reçu d’ennemis dans leurs murs ; et on en voit les traces jusqu’à nos jours. »

  1. Luni, ville aux confins de l’Étrurie et du pays génois, détruite par les Normands.
  2. L’Italie.