Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/499

Cette page a été validée par deux contributeurs.
493
REVUE. — CHRONIQUE.

pour supposer que peut-être Mme Beaune se trouvait parmi les spectateurs inconnus.

Il faut renoncer pour aujourd’hui à toucher une autre question que le procès. Le procès renferme tout l’avenir ; il absorbe tous les autres événemens.


Un fait grave s’est produit le mois dernier à Bougie ; la dignité nationale vient d’y être abaissée vis-à-vis des Arabes et des Cabaïles à la hauteur de la paix à tout prix. Le gouvernement d’Alger vient de donner, sans doute pour l’édification et la conversion de l’orgueil musulman, un grand exemple d’humilité chrétienne.

Peu de personnes en France savent ce que c’est que Bougie, ce coin de rochers nus et brûlans, où, pour l’élévation de quelques-uns et la perte du plus grand nombre, l’aveuglement de l’intérêt personnel et la précipitation ignorante ont jeté quelques milliers de Français entre les griffes de la maladie et sous le feu presque incessant des Cabaïles.

Heureusement que le choix d’un chef distingué vint mêler aux embarras presque inextricables de l’occupation quelques chances de succès. Le colonel Duvivier, nommé par le maréchal Soult commandant supérieur à Bougie, est un homme de haute probité, d’un caractère fier, d’un esprit élevé, d’une intelligence prête à tout ; connaissant mieux qu’aucun Français, peut-être, les hommes et les choses de l’Afrique ; sachant négocier avec les Arabes ; sachant les battre ; capable enfin de sauver Bougie, si l’on eût permis que Bougie fût sauvée.

Dès l’origine, de graves difficultés s’élevèrent. On désirait la pacification du pays, mais à des conditions qui la rendaient presque impossible. Des ordres arrivés de Paris interdisaient formellement les moyens de rigueur. Beaucoup de philantropes quand même veulent qu’aux incendies, aux pillages et aux massacres des Barbares, la civilisation n’oppose que ses protocoles, ses écoles d’enseignement mutuel et quelque peu de régime représentatif. Ces gens-là, une fois qu’ils tiennent une déclamation, ne consentent pour rien au monde à lâcher prise. Quelle que soit la réalité, il faut à toute force qu’ils achèvent, même en Afrique, la phrase qu’ils ont commencée en Europe. Cet amour pour les moissons, les vignes et les maisons des Cabaïles, fut la première cause de la prolongation de toutes nos misères.

Cependant le colonel Duvivier, quoique traînant au pied le boulet de quasi-impossibilité qu’y avait attaché le pouvoir, n’en marchait pas moins vers son but. Par ses négociations, il divisait l’ennemi. Par ses heureux