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généraux ; d’abord les officiers de l’empire, employés par la restauration, irrités à double titre contre la révolution de juillet, par les traditions du gouvernement impérial, et par les ressentimens que leur a laissés la chute du trône des Bourbons ; puis, ceux que la restauration avait exilés ou laissés dans l’oubli, et qui n’ont jamais admis le gouvernement constitutionnel. Ceux-là proposent un moyen bien simple de sortir d’embarras, et de terminer le procès. La chambre des pairs nommerait une commission composée de maréchaux de France et d’officiers-généraux, laquelle se forcerait en conseil de guerre ; en deux jours les accusés seraient jugés, et le jugement exécuté à deux pas, dans la grande allée de l’Observatoire où la chambre a déjà fait fusiller le maréchal Ney. Les jeunes fils de pairs qui se forment aux grandes affaires dans la tribune qui leur est réservée, sont grands partisans de ce projet, et on peut les entendre dans les corridors de la nouvelle salle, où ils vantent hautement ce mode de procéder. Le général Lascours, qui semble destiné à remplir à la chambre des pairs le rôle de M. Bugeaud dans l’autre chambre, le général Guilleminot, MM. de Sparre, Ségur, Pajol, Athalin, Gazan, Rumigny, Baudrand, Lallemand, occupent les premières places dans ces deux catégories.

Ce n’est ni chez M. Decazes, dans un grand dîner, ni dans le salon de M. le duc de Broglie, que la proposition Montebello a été conçue et élaborée, comme l’ont annoncé quelques feuilles. Ce jour-là M. Decazes et M. de Broglie étaient presque seuls, et leurs salons à peu près abandonnés. C’était dans un lieu plus central que le Luxembourg, et plus fréquenté que l’hôtel des affaires étrangères, que les meneurs de cette affaire étaient assemblés. Tous les généraux de la chambre haute s’y trouvaient ; M. de Montalivet, M. Barthe, M. d’Argout et les ministres, assistaient à la séance. Ce fut M. Cousin qui en fit l’ouverture. À lui appartient l’honneur de l’initiative de ce second procès. Rien n’est plus curieux que M. Cousin depuis l’ouverture des débats du Luxembourg. À son langage, on le prendrait pour un de ces vieux et coriaces généraux de l’empire, dont je viens de parler, pour une de ces culottes de peau, passez-moi le terme, dont tout le parfum aristocratique de la chambre des pairs n’a pu adoucir la rudesse. À le voir arriver à son banc, les yeux baissés, à pas de loup, n’osant regarder ni les accusés, ni le public, ni ses collègues, on dirait, au contraire, un saint qui va s’agenouiller devant l’autel. M. Cousin a certainement oublié le temps où il recrutait activement pour le carbonarisme parmi ses jeunes adeptes, et il serait sans doute fort étonné si quelques-uns des accusés de Paris lui rappelaient que c’est à lui qu’ils ont dû autrefois leur initiation dans les ventes. M. Cousin compte aussi quelques amis, qu’il se plaît encore à nommer tels, parmi les signa-