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VOYAGE DANS LES RÉGIONS ARCTIQUES.

dîner qui pouvait passer pour recherché dans ce lieu, et pendant lequel nous fûmes servis par de jeunes filles esquimaux dans le costume de leur pays ; mais celles-ci étaient infiniment plus propres que celles que nous avions vues dans d’autres circonstances. Elles étaient chargées de verroteries, et coiffées de mouchoirs d’indienne.

« Au sortir de table, nous visitâmes l’établissement qui se compose des maisons du gouverneur et du curé, d’une église, de deux magasins, d’un four destiné à cuire le pain, et d’environ quarante huttes d’Esquimaux. Les deux maisons étaient construites en bois et avaient deux étages ; le rez-de-chaussée contenait une salle à manger commode, une bonne chambre à coucher, un petit parloir et une cuisine. Celle du gouverneur offrait une pièce de plus pour le logement des équipages de ses deux embarcations et de deux pilotes. L’étage supérieur était destiné aux domestiques. Les appartemens étaient bas, et les poutres, qui faisaient saillie sur le plafond, leur donnaient l’apparence de la cabine d’un vaisseau de cinquante canons. L’église est surmontée d’un petit clocher qui domine quelque peu son toit ; l’intérieur en est simple et décent ; à l’une des extrémités se trouve l’autel, et à l’autre un orgue. Elle peut contenir environ deux cents personnes, et est assiduement fréquentée. Les prières et les sermons ont lieu tous les dimanches, alternativement en danois et dans la langue des Esquimaux. Le magasin situé près du lieu de débarquement, reçoit tous les objets de poids ou de fort volume ; et l’autre, placé un peu plus haut, sert de demeure à plusieurs familles. On n’aperçoit pas la mer depuis la ville, mais seulement le hâvre : elle est protégée, à l’ouest et à l’est, par des rochers élevés, et au sud, mais à une plus grande distance, par une énorme montagne appelée le Capuchon de la vieille femme. En face le hâvre, à l’ouest, on découvre également une rangée de collines d’une grande hauteur. Sa situation la rend ainsi très intéressante et éminemment pittoresque ; néanmoins ce serait un séjour à peine supportable, quand même une grande partie de l’année y serait telle que nous la trouvâmes par hasard. Les Esquimaux nomment cette ville Tirieniak Pudlit, ce qui signifie, ainsi qu’on nous l’apprit, terriers de renards.

« 24 juillet. — Les Esquimaux, qui étaient accourus en foule autour de nous depuis le moment de notre arrivée, aidaient nos hommes aux manœuvres, ou dans leurs autres travaux, montrant en ceci leur bonne volonté, et nous étant en réalité assez utiles. Beaucoup d’entre eux apportèrent également, pour les vendre, les objets qu’ils avaient à leur disposition ; et nos hommes se fournirent ainsi de bottes et de gants, en échange de mouchoirs de coton et de vieux habits. Le plus grand nombre de ces naturels paraissaient ne pas connaître la valeur de l’argent ; l’un d’eux,