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VOYAGE DANS LES RÉGIONS ARCTIQUES.

haut point l’impatience du public anglais qui prend à ces sortes de matières un intérêt bien autrement vif et général que le nôtre. Le capitaine Ross vient enfin de publier sa relation ; elle a paru à Londres il y a quelques jours à peine, et nous avons été assez heureux pour en obtenir un exemplaire. Le luxe de typographie et de gravures qui brille dans ce magnifique volume suffirait seul pour expliquer le retard qu’a éprouvé cette publication.

D’autres raisons donnent encore à cette expédition une grande importance, si elle n’a pas résolu le problème du passage, elle a du moins éclairci un point de géographie du plus haut intérêt ; ensuite tout annonce qu’elle sera probablement la dernière dont la génération actuelle sera témoin. Le gouvernement anglais, qui, pendant quinze ans, a pris noblement à sa charge tout le fardeau de cette découverte, qui, dans cet intervalle, a expédié Parry à trois reprises différentes, Beechey, Richardson, Franklin et Ross lui-même ; le gouvernement anglais, disons-nous, s’est lassé de ces expéditions coûteuses dont aucune n’a pu atteindre complètement le but, et nul autre probablement ne prendra sa place. Depuis la dernière tentative de Parry, en 1827, pour pénétrer jusqu’au pôle boréal, il a cessé de prendre part à ces entreprises. En 1828, d’un autre côté, le parlement a retiré la prime de 20,000 livres sterling qu’il avait votée depuis 1745 en faveur de celui qui découvrirait le passage. C’est sous cette influence de découragement de la part de son gouvernement, que le capitaine Ross a conçu le plan de son dernier voyage, et c’est à un généreux citoyen de Londres, sir Félix Booth, qui a bien voulu en faire les frais, qu’il a dû de pouvoir l’exécuter, ainsi qu’on le verra plus loin. Cette question du passage a du reste complètement changé de nature dans ces derniers temps ; de commerciale qu’elle a été pendant plus de deux siècles, elle est devenue purement scientifique, et il n’est aujourd’hui personne de sensé qui s’imagine que, quand bien même il existerait une solution de continuité entre le continent américain et les terres polaires, les nations de l’Europe pourraient jamais en retirer quelque avantage immédiat. Il n’est donc pas étonnant que les gouvernemens se lassent d’une poursuite toute théorique.

Notre intention est d’offrir à nos lecteurs un résumé complet de ce voyage, abstraction faite des détails nautiques et par trop géographiques qui seraient d’un intérêt médiocre pour eux, Si tout ce qui se rattache à cette question du passage au nord-ouest leur était familier, nous nous abstiendrions de tous préliminaires et nous entrerions tout de suite en matière ; mais pensant qu’il en est autrement pour la plupart d’entre eux, nous allons tracer en peu de mots l’historique de cette recherche, afin