Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/463

Cette page a été validée par deux contributeurs.
457
SESSION PARLEMENTAIRE.

cherchait en vain cet organe puissant qui remuait les entrailles des centres, et excitait les trépignemens ministériels : les discours de M. Berryer veulent surtout être entendus, et c’est peut-être en quoi il est éminemment orateur. On l’a comparé à Mirabeau ; cette comparaison ne me paraît pas juste : Mirabeau avait une grande intelligence de toutes les questions qui touchent aux sociétés humaines ; il eût été fort mauvais avocat pour plaider une cause de détail ; ses discours de législation s’élèvent comme subitement au droit primordial, s’agrandissent et s’éclairent à la lueur des principes éternels ; c’est le véritable orateur dans l’ordre politique. M. Berryer tient de son époque le positif des affaires, une curieuse entente des détails ; dans tous ses discours, il y a, comme aux jugemens du palais, un point de droit, un point de fait et des conclusions, et c’est ce qui le rend si redoutable à un ministère. Mirabeau serait peut-être aujourd’hui déplacé dans la chambre. S’il a fait marcher son siècle, s’il a grandement avancé l’époque politique, il serait peu redoutable à un ministère tout environné de budgets et de chiffres. M. Berryer est l’homme de son temps, et c’est en quoi il est supérieur.

Cette chambre ainsi appréciée dans son personnel, qu’a-t-elle fait pour l’organisation constitutionnelle du pays, pour l’amélioration des lois et l’ordre administratif ? Les travaux d’une chambre se divisent toujours en lois de circonstance, qui répondent aux besoins du moment, aux nécessités de certain ordre politique, puis en lois permanentes, c’est-à-dire qui se rattachent à la réalisation d’un système qui a son commencement, son milieu et sa fin. Ainsi, par exemple, tel besoin financier impose le vote d’un crédit supplémentaire ; voilà une mesure instantanée, et elle se présente souvent dans les nécessités de l’administration. Au contraire, le gouvernement rédige-t-il une loi de commerce, un système de responsabilité ministérielle ; ces projets appartiennent à l’organisation générale de la société ; ils sont permanens ; ils restent inhérens à la constitution.

Un premier reproche que l’histoire adressera à la chambre qui vient d’accomplir ses six premiers mois d’existence, c’est d’avoir concentré tout-à-fait ses facultés, son examen, sur ces mesures d’exception qu’un gouvernement demande pour soutenir son crédit ou faciliter sa position ; elle aura voté un corps auxiliaire de gendarmerie, une garnison nouvelle pour les colonies, 25 millions pour les États-Unis, un supplément pour les fonds de police. La majorité semblait proclamer ce déplorable principe : « Nous avons assez de lois générales, d’institutions politiques ; ce qu’il nous faut, c’est un système de répression, l’ordre matériel de la société. » Voyez aussi avec quelle indifférence les lois générales ont été discutées et votées ? Pour amuser et distraire les députés, le ministère leur avait jeté