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litique, l’administration publique tout entière. Et d’où venait ce coup ? du tiers-parti, armé de la puissance qu’il avait prise sur certaines fractions des centres. C’est un fait dont l’histoire parlementaire offre plus d’un exemple, que cette adhésion des centres à une opinion qui a des chances d’avènement au pouvoir ; et cela explique bien des changemens qui depuis se sont opérés. Le parti Dupin était alors grandi de toute la force que donne l’espérance d’un ministère prochain ; l’opinion Dupin est aujourd’hui descendue de tout le désappointement qu’apporte un ministère manqué. La réponse du roi à l’adresse fut l’expression des inquiétudes et du mécontentement du cabinet à l’égard du tiers-parti ; les ministres ne se prononcèrent sur rien, et bientôt la prorogation du parlement jusqu’au mois de décembre suspendit la lutte qui s’était engagée face à face entre le tiers-parti et le ministère.

La crise devait néanmoins éclater ; tout le monde n’était pas franc dans le conseil. Les ministres n’avaient ni les mêmes amitiés, ni les mêmes sentimens ; le maréchal Gérard conservait ses rapports avec le tiers-parti ; M. Thiers n’avait aucune affection pour les doctrinaires. Or, au premier accident, à la première question un peu grave, le cabinet devait se dissoudre, et le maréchal Gérard allait devenir le pivot d’une combinaison qui aurait reposé sur l’adresse. Cette adresse était exploitée par l’opinion Dupin ; c’était le programme dont on se servait pour ébranler un cabinet si peu homogène. Sur ces entrefaites survint la question de l’amnistie ; si celle-là n’avait pas été agitée, d’autres seraient venues, car il fallait une solution à cette crise. Le maréchal Gérard donna sa démission, et nous avons raconté autre part toutes les petites intrigues qui préparèrent la combinaison Bassano[1] Le ministère abandonnait ainsi le pouvoir au tiers-parti, aux principes de l’adresse, à la combinaison Dupin ; mais avec une habileté remarquable, il saisissait un moment où le tiers-parti n’était prêt à rien, où il n’avait ni ses hommes de résolution, ni ses caractères d’élite. Il le jeta dans une situation embarrassante ; il lui laissa un pouvoir affaibli, aux prises avec les prétentions du roi, avec les amitiés du château ; sauf deux ou trois noms, on réunit des hommes inconnus ; on leur donna pour guide un vieillard que l’empire avait usé ; et pour couronner l’œuvre, M. Dupin, chef de file du tiers-parti, n’osa point avouer ce ministère, en se plaçant nettement à la tête d’un des grands départemens politiques.

L’histoire ministérielle des dix jours du cabinet Bassano imprima un ridicule indélébile sur le tiers-parti. M. Dupin eut beau se défendre de toute participation directe à une administration qu’il avait lui-même in-

  1. Voyez la Crise ministérielle, nos  de novembre 1834.