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SESSION PARLEMENTAIRE.

cabinet de coalition ; le maréchal Gérard n’appartenait pas à la même école que M. Guizot, M. Thiers que M. Humann. Les sympathies du maréchal pour le tiers-parti étaient visibles. Ce même amalgame, ce même pêle-mêle se produisit dans la chambre des députés, car si le parti légitimiste avait obtenu quelques voix de plus, la gauche extrême s’était amoindrie dans une proportion plus grande encore. Le parti doctrinaire, rajeuni par les élections, avait formé un noyau compacte, une opinion unie par une communauté de principes et de doctrines. La coterie qui s’appelait tiers-parti avait aussi gagné bon nombre de voix ; puis restait une grande masse flottante, de ces votes que tout pouvoir peut acquérir, soit par la satisfaction donnée à des intérêts individuels, soit par quelques concessions de principes faites avec habileté.

Dans son esprit primitif, la chambre n’était pas complètement ministérielle. Le cabinet n’avait point, il est vrai, à craindre les légitimistes, ni l’extrême gauche ; mais il avait devant lui le tiers-parti, qui, par sort activité incessante, par les intimités qu’il avait jusque dans le sein du conseil, au moyen du maréchal Gérard, se rendait redoutable à un ministère qui ne le faisait point entrer dans ses élémens. Le tiers-parti était un véritable embarras pour le cabinet ; il le menaçait à chaque question, parce que les opinions dynastiques de ce tiers-parti plaisaient à ces députés de province, indépendans gentlemen, comme les appelait Pitt dans le parlement anglais, unités honorables qui, sans prendre la livrée ministérielle, voulaient toutefois servir le pouvoir. Tant que le ministère ne l’aurait point usé, ce tiers-parti pouvait donner ou refuser la majorité, et dès-lors il était plus fort que le pouvoir même.

C’est pour essayer d’une situation toute nouvelle que le ministère convoqua cette première session, qui se résuma en une nomination à la présidence, une vérification de pouvoirs, et une adresse. Le cabinet disait. « Il est essentiel de tâter et d’assouplir la chambre de 1834 ; il faut voir où est la majorité, et si nous pouvons marcher avec elle. » La chambre se dessina dans la courte session du mois d’août. Le ministère n’osa point tout d’abord heurter M. Dupin ; ne pouvant l’empêcher d’arriver à la présidence, il le seconda d’une fraction de ses votes, car beaucoup de récalcitrans dans le camp ministériel ne voulurent point faire cette concession au tiers-parti. M. Dupin fut élu. Le ministère put s’apercevoir, dans quelques vérifications de pouvoirs, que le tiers-parti gagnait de l’ascendant, et ce progrès se développa plus nettement encore dans la grande querelle de l’adresse.

Il n’y avait plus ici le moindre doute ; la rédaction de l’adresse était amère pour le cabinet ; elle blâmait son régime financier, son système po-