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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.


gnait avec tant de naïveté le sentiment paternel qui était pour le vieil évêque une passion de tous les instans, et comme une sorte d’idée fixe. Hilperik se sentait à bout de ressources : à l’assurance qu’il avait montrée d’abord succéda un air d’embarras et presque de confusion. Il fit lever brusquement la séance, et se retira encore plus déconcerté et plus mécontent que la veille[1].

Ce qui le préoccupait surtout, c’était l’accueil qu’après une semblable déconvenue il allait infailliblement recevoir de l’impérieuse Fredegonde, et il semble qu’en effet son retour au palais fut suivi d’un orage domestique dont la violence le consterna. Ne sachant plus que faire pour écraser, au gré de sa femme, le vieux prêtre inoffensif dont elle avait juré la perte, il appela auprès de lui ceux des membres du concile qui lui étaient le plus dévoués, entre autres Berthramn et Raghenemod. « Je l’avoue, leur dit-il, je suis vaincu par les paroles de l’évêque, et je sais que ce qu’il dit est vrai. Que ferai-je donc pour que la volonté de la reine s’accomplisse à son égard[2] ? » Les prélats, embarrassés, ne surent que répondre ; ils restaient mornes et silencieux, quand tout à coup le roi, stimulé et comme inspiré par ce mélange d’amour et de crainte qui formait sa passion conjugale, reprit avec feu : « Allez le trouver, et faisant semblant de lui donner conseil de vous-mêmes, dites-lui : « Tu sais que le roi Hilperik est bon et facile à émouvoir, qu’il se laisse aisément gagner à la miséricorde ; humilie-toi devant lui, et dis pour lui complaire que tu as fait les choses dont il t’accuse ; alors nous nous jetterons tous à ses pieds, et nous obtiendrons ta grace[3]. »

    tribui. Proprium mihi esse videbatur, quod filio meo Merovecho erat, quem de lavacro regenerationis excepi. » (Greg. Turon. Hist. lib. v, pag. 245.)

  1. Videns autem rex Chilpericus, quòd eum his calumniis superare nequiret, adtonitus valdè, à conscientiâ confusus, discessit à nobis. (Ibid.)
  2. Vocavitque quosdam de adulatoribus suis, et ait : « Victum me verbis episcopi fateor, et vera esse quae dicit scio ; quid nunc faciam, ut reginae de eo voluntas adimpleatur ? » (Ibid.)
  3. Et ait : « Ite, et accedentes ad eum dicite, quasi consilium ex vobismetipsis dantes : Nosti quòd sit rex Chilpericus pius atque compunctus, et citò flectatur ad