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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

retourner à son logement. Ses leudes le suivirent, et les évêques allèrent tous ensemble se reposer dans la sacristie[1].

Pendant qu’ils étaient assis par groupes, causant familièrement, mais avec une certaine réserve, car ils se défiaient les uns des autres, un homme, que la plupart d’entre eux ne connaissaient que de nom, se présenta sans être attendu. C’était Aëtius, Gaulois de naissance, et archidiacre de l’église de Paris. Après avoir salué les évêques, abordant avec une extrême précipitation le sujet d’entretien le plus épineux, il leur dit : « Écoutez-moi, prêtres du Seigneur qui êtes ici réunis, l’occasion actuelle est grande et importante pour vous. Ou vous allez vous honorer de tout l’éclat d’une bonne renommée, ou bien vous allez perdre dans l’opinion de tout le monde le titre de ministres de Dieu. Il s’agit de choisir ; montrez-vous donc judicieux et fermes, et ne laissez pas périr votre frère[2]. » Cette allocution fut suivie d’un profond silence ; les évêques, ne sachant s’ils avaient devant eux un provocateur envoyé par Fredegonde, ne répondirent qu’en posant le doigt sur leurs lèvres en signe de discrétion. Ils se rappelaient avec terreur les cris féroces des guerriers franks, et les coups de leurs haches d’arme retentissant contre les portes de l’église. Presque tous, et les Gaulois en particulier, tremblaient de se voir signalés comme suspects à la loyauté ombrageuse de ces fougueux vassaux du roi ; ils restèrent immobiles et comme stupéfaits sur leurs sièges[3].

Mais Grégoire de Tours, plus fort de conscience que les autres, et indigné de cette pusillanimité, reprit pour son compte la harangue et les exhortations de l’archidiacre Aëtius. « Je vous en prie, dit-il, faites attention à mes paroles, très saints prêtres de Dieu, et surtout vous qui êtes admis d’une manière intime dans la fami-

  1. Recedente verò rege ad metatum suum, nos collecti in unum sedebamus in secretario basilicae beati Petri. (Greg. Turon. Hist. lib. v, pag. 243.)
  2. Confabulantibusque nobis, subitò advenit Aëtius archidiaconus Parisiacae ecclesiae, salutatisque nobis, ait : « Audite me, ô sacerdotes Domini, qui in unum collecti estis… » (Ibid.)
  3. Haec eo dicente, nullus sacerdotum ei quicquam respondit. Timebant enimn reginae furorem, cujus instinctu haec agebantur. Quibus intentis, et ora digito comprimentibus… (Ibid.)