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tère vivra. Sans doute, il s’est vu forcé d’entendre quelques vérités dures dans cette discussion ; les paroles austères de M. Dupont de l’Eure ont été terribles ; c’était, comme on l’a fort bien dit, la franchise d’un ancien ministre resté pauvre, parlant à de jeunes ministres déjà riches ; mais un peu de honte est bientôt bue, et d’ailleurs la majorité s’associe à cette honte avec tant de magnanimité et de dévouement, qu’on ne sait à qui en restera la plus grosse part.

Une partie des fonds secrets servira à défrayer le procès-monstre et à subvenir aux frais de construction de la salle provisoire qui ont dépassé considérablement le crédit fixé par M. Thiers lui-même, et voté par la chambre. Beaucoup de fonctionnaires se sont déplacés pour venir au procès, les fonds secrets dédommageront ces fonctionnaires. Les fonds secrets serviront aussi à ranimer quelques consciences timorées, à consolider des fidélités que la pénurie où se trouve la caisse ministérielle, est à la veille d’ébranler. Cette pénurie est si grande, que les subventions des feuilles ministérielles sont, dit-on, en arrière de plus de deux mois. Depuis ce temps, les gratifications ont cessé de couler ; les dévouemens les plus purs sont restés sans récompense, et certains votes ont été, bien involontairement, désintéressés. Depuis deux mois, la main du ministre ne s’ouvre que pour serrer cordialement celle de ses serviteurs et de ses amis, mais ces témoignages stériles d’affection commencent à ne plus leur suffire, et le ministère était vraiment fondé à supplier la chambre de faire cesser un état de choses si dangereux pour lui. La troisième question d’existence ministérielle, c’est, on le sait, le procès. Le procès marche à ravir. Les pairs arrivent à souhait à leur poste, les uns de Vienne et de Rome, les autres de Stuttgart et de Stockholm. M. de Saint-Aulaire, M. Latour-Maubourg, M. de Saint-Priest, M. de Montebello, ont déjà fait leur rentrée au foyer de l’Opéra et dans les salons de Paris. Le ministère n’a qu’un chagrin, c’est de ne pouvoir faire revenir M. de Saint-Simon qui est aux Indes orientales ; mais si l’ajournement du procès a lieu, comme il se peut faire, on enverra un bâtiment à Pondichéry, qui ramènera un juge de plus. Si M. Sébastiani remplissait la promesse qu’il a faite aux électeurs de Vervins, nous n’aurions pas un seul ambassadeur à son poste ; mais n’importe, pourvu que le procès ait lieu. Au 1er mai, jour de sa fête, le roi jouira d’un plaisir que ne pourrait se donner en ce moment aucun souverain en Europe ; il se verra entouré de ses ambassadeurs en Russie, en Autriche, en Suède et en Suisse, de ses ministres à Turin, à Stuttgart et à Rome. Il ne manque à cette bonne fête que M. Sébastiani, qui sommeille à Londres, et M. de Rayneval qui joue un maigre rôle à Madrid.