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ANGELO MALIPIERI.

ment, par la bouche de ses disciples, l’incompétence absolue de la critique ? car c’est là vraiment l’unique pensée de la cour du nouveau roi ; c’est pour lui la plus douce et la plus assidue des flatteries ; c’est la consolation qui l’accueille chaque matin à son réveil. Il ne chante plus l’hymne des morts sur le linceul de la tragédie ; il a trouvé parmi ses adversaires des hommes aussi dévoués que lui au progrès, à l’innovation, occupés autant et plus que lui peut-être d’études historiques ; le reproche d’ignorance n’aurait plus de valeur dans sa bouche. Que faire donc ? et comment cicatriser les plaies saignantes de cette jeune royauté ? Comment étouffer le murmure confus des voix qui s’élèvent pour se plaindre ? N’est-il pas sage et bien avisé de proclamer l’incompétence de cette magistrature révoltée, qui s’appelle modestement la critique ?

Pour une royauté née d’hier, et qui n’est pas encore consacrée par l’assentiment populaire, c’est peut-être aller bien vite. Qu’il nous soit permis au moins de protester contre ce caprice de la couronne avant l’entier envahissement de nos libertés.

M. Hugo ne procède que de lui-même. Il a en lui sa raison d’être ; il n’a pas d’aïeux et n’aura pas d’héritiers ; il veut être vénéré comme le chef d’une dynastie, mais il ne promet à personne le trône qu’il occupe aujourd’hui. Après lui, les peuples seront plongés dans les ténèbres et la confusion. C’est pourquoi la discussion de sa conduite n’est rien moins qu’une impiété. Impiété ou incompétence, c’est même chose, vous le savez, quand il s’agit d’une royauté de droit divin : or, il y a huit ans bientôt que M. Hugo s’est résigné au gouvernement de la poésie ; la préface de Cromwell a signalé son avènement.

Comme je n’ai pas l’honneur d’être admis au château, j’ai dû questionner, pour m’instruire, les familiers de S. M. Or, voici ce que j’ai recueilli sur la doctrine de l’incompétence. Comprendre M. Hugo, c’est l’approuver, et réciproquement. Discuter la valeur de ses œuvres, regretter dans un de ses drames l’absence d’un épisode qui semblait naturellement amené, ne pas s’extasier devant les bizarreries préméditées d’une métaphore, c’est confesser son ignorance, c’est avouer qu’on n’a pas encore participé aux bienfaits de l’initiation. Mais sans doute vous êtes curieux de savoir en quoi