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L’OR DES PINHEIROS.

Chaco et de Santa-Cruz de la Sierra. Enfin au nord, quelques-uns d’entre eux atteignirent, dans leurs aventureuses excursions, les bords du fleuve des Amazones. C’est à peu près comme si, l’Europe étant couverte de forêts sans chemins tracés, un habitant de la France se frayait une route jusqu’au centre de la Sibérie.

Une ressemblance de plus entre les Paulistas et les flibustiers, c’est la manière dont s’organisaient leurs expéditions, et le mélange de superstition, de mépris de la vie, et de férocité qui formait le fonds de leur caractère. De même que chez les frères de la côte, c’était ordinairement quelque vieux coureur des bois, bronzé de corps et d’ame, et initié à tous les secrets du désert, qui concevait le plan de l’expédition, ou bien quelque jeune débutant dans la carrière, désireux de se signaler. Il ne manquait jamais de volontaires pour s’enrôler sur leurs pas. Les conditions de partage du butin futur arrêtées et tous les préparatifs terminés, une dernière formalité restait à remplir, celle de régler ses comptes avec le ciel et d’attirer sa faveur sur l’entreprise. Une messe, à laquelle assistaient avec recueillement tous les intéressés, faisait ordinairement l’affaire. Les plus dévots allaient ensuite purifier leur ame de ses vieux péchés auprès d’un prêtre, qui souvent recevait en même temps leur vœu de consacrer aux autels une partie du produit de l’expédition. Si le moine était sévère, avant de donner l’absolution, il s’enquérait soigneusement de l’objet de l’entreprise, et n’absolvait qu’autant qu’il était simplement question de découvrir des mines ; mais le plus grand nombre passaient prudemment cette question sous silence, recommandant seulement, en termes généraux, de traiter avec douceur les Indiens qui se présenteraient sur la route, afin de les attirer au giron de l’église. Le pénitent n’avait d’ordinaire en ce moment aucune objection à faire ; une fois en route, Dieu sait comment il tenait ses promesses !

Enfin, soit par terre, soit par eau, l’expédition se mettait en campagne. Les parens, les amis, l’accompagnaient à quelque distance, faisant des vœux pour sa réussite : tous savaient le peu de chances qu’ils avaient de se revoir. Alors commençait dans toute son énergie la lutte de l’homme avec la nature sans frein et terrible du désert. Il fallait souvent, la hache à la main, s’ouvrir une route dans l’épaisseur des forêts, camper pendant des semaines entières