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VOYAGE EN ORIENT.

tine a puisé ce qu’il dit des monumens de la Grèce ? Les rapides alternatives de son admiration et de son dédain ont de quoi étonner les plus sereines clairvoyances. Les temples de Thésée, de Minerve et de Jupiter ne trouvent pas grace devant le goût sévère du voyageur ; il accuse de mesquinerie et de pauvreté ce que tout-à-l’heure il caressait de ses louanges. Il ne conteste pas la beauté des sculptures qui gisent à ses pieds ; il contemple avec une joie clémente les figures héroïques et divines amoncelées comme une grève sous les pas de son cheval. Mais, après une heure tout au plus donnée à l’indulgence, son front se rembrunit, il tance l’art grec ainsi qu’un écolier indocile ; il s’apitoie avec colère sur les proportions tout humaines de ces temples déserts. Il regrette de ne pas trouver sur le sol athénien les majestueuses cathédrales de Reims, de Cologne, de Durham, de Westminster et de Milan. Étrange et singulier caprice ! Bouderie d’enfant gâté ! Demander au ciel de la Grèce les créations austères de l’Europe du moyen-âge ! Vouloir, pour une religion dont la beauté était le premier dogme, les portails, les ogives et les rosaces destinés à multiplier la grandeur du Dieu sans forme et sans séjour ! Par quel renversement d’idées M. de Lamartine est-il arrivé à déplacer ainsi des questions si nettement posées ? Pourquoi ne reproche-t-il pas à l’épopée homérique de ne pas ressembler à la Divine Comédie ou à Lara ?

Ce qu’il dit de la Syrie, et des établissemens religieux assis sur le Liban, n’est guère qu’une suite de renseignemens recueillis à la hâte, rédigés séparément, et cousus après coup, sans unité, sans prévoyance, sans volonté. Il semble que le voyageur, à peine arrivé à Bayruth, ait prié ses compagnons de faire une battue parmi les anciens du pays, afin de découvrir les légendes et les traditions locales. Pour lui, sans s’épuiser en courses haletantes, il accueille, sans trop d’empressement ni de curiosité, les notes qui lui sont apportées ; il les assemble avec une attention indolente ; puis, quand il a noué la gerbe des épis qu’il n’a pas moissonnés, il se repose complaisamment, il s’applaudit dans son œuvre, et le lendemain, au lever du jour, il plie sa tente et va camper sous les murs de Jérusalem.

Une fois qu’il a touché la Terre-Sainte, le flot de sa pensée ne