Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/321

Cette page a été validée par deux contributeurs.
315
LUTHER À LA DIÈTE DE WORMS.

grand nombre de comtes et de seigneurs, le landgrave Philippe de Hesse, le duc Guillaume de Brunswick, le comte Guillaume de Henneberg, et mon gracieux souverain l’électeur Frédéric, qui était en admiration de la réponse chrétienne du docteur Martinus, devant sa majesté impériale et les états de l’empire, mais qui l’aurait voulu moins courageuse. » Comme on craignait qu’après le refus définitif de se soumettre, Luther ne fût exposé au même sort que Jean Huss, quatre cents gentilhommes allemands se confédérèrent pour le défendre, et François de Sikinghen, dont le château était placé dans le voisinage, tint ses troupes prêtes pour marcher à son secours.

Ces témoignages de faveur n’arrêtèrent pas Charles-Quint. Il n’avait recouru à l’intervention de la diète que pour remplir une formalité propre à satisfaire l’Allemagne. Le lendemain de cette séance, il annonça aux états de l’empire qu’il était résolu d’enjoindre à Luther de quitter Worms sur-le-champ ; d’observer, sur sa route, les conditions du sauf-conduit ; et le sauf-conduit expiré, de le poursuivre comme un hérétique manifeste, dans quelque pays qu’il se trouvât.

La déclaration de l’empereur fut le sujet d’une discussion fort vive dans la diète. Quelques princes ecclésiastiques et l’électeur de Brandebourg lui-même conseillèrent de violer le sauf-conduit accordé à Luther. Ils citèrent, à l’appui de leur opinion, le décret du concile de Constance, qui permettait de ne pas garder la foi promise aux hérétiques ; mais cette opinion fut repoussée avec indignation par la plupart des princes séculiers. L’électeur Palatin et le duc George de Saxe, quoique ce dernier fût ennemi déclaré de Luther, dirent qu’ils ne souffriraient pas qu’on couvrît de cette honte la première diète tenue par l’empereur, et qu’on portât une pareille atteinte à la loyauté germanique. La contestation s’anima tellement entre l’électeur Palatin et l’électeur de Brandebourg, qu’ils en vinrent, dit Luther, jusqu’à tirer les couteaux. De son côté, Charles-Quint était très éloigné d’une aussi odieuse perfidie ; il voulait bien condamner la doctrine de Luther, dans l’intérêt du Saint-Siége et pour sa propre utilité, mais il ne voulait pas souiller sa réputation par une trahison.

Sa mise au ban de l’empire ne trouvait pas dans la diète beau-