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commandant à la protection de l’empereur et de l’assemblée contre les violences de ses ennemis.

Lorsqu’il eut achevé, les partisans du saint-siége dans la diète, et surtout les Italiens et les Espagnols de la suite de l’empereur, qui écoutaient impatiemment Luther depuis plus d’une heure, murmurèrent tout haut, et reprochèrent à l’official de Trèves de ne l’avoir point interrompu. Ils trouvaient qu’appelé simplement pour la vérification de ses écrits et le désaveu de sa doctrine, il avait été imprudemment admis à la défendre et à la louer. Sur leur interpellation, l’official de Trèves dit à Luther qu’il n’avait pas répondu à ce qu’on lui avait demandé, et le somma, au nom de l’empereur et de la diète, de déclarer s’il voulait ou non se rétracter.

Luther répliqua alors : « Puisque votre illustre majesté et vos altesses exigent de moi une réponse catégorique, je la leur donnerai sans ambiguité et sans détour. À moins que je ne sois convaincu par le témoignage des Écritures ou par des raisons évidentes, car je ne puis me soumettre aux décisions seules du pape et des conciles, lorsqu’il est constant qu’ils ont souvent erré et qu’ils se sont même contredits, je demeure ferme dans ma foi, qui repose sur les paroles mêmes de Dieu. Je ne peux donc ni ne veux me rétracter, car il n’est ni sûr ni honnête d’agir contre sa conscience. » Après cette déclaration, il ajouta : « Me voici, je ne peux pas agir autrement ; que Dieu me soit en aide. »

Ainsi Luther refusa solennellement le désaveu qu’on exigeait de lui. Il ne consentit pas plus à se rétracter sur la sommation de l’empereur que sur celle du pape. Il fut aussitôt reconduit hors de la salle par deux officiers de la diète, qui l’accompagnèrent à son logement. Il avait gagné par son courage, sa conviction, son éloquence, la faveur ou l’admiration de beaucoup de membres de la diète. Le vieux duc Erick de Brunswick lui envoya un vase d’argent rempli de bierre d’Eimbeck, après en avoir bu lui-même. Luther dit en le recevant : — Que Dieu se souvienne du duc Erick à sa dernière heure, comme il s’est souvenu aujourd’hui de moi. La maison des chevaliers Teutoniques ne désemplissait pas. « Le docteur Martinus (c’est ainsi qu’on appelait Luther dans toute l’Allemagne), écrivait Spalatin, eut plus de visiteurs que tous les princes durant son séjour à Worms. J’ai vu chez lui, outre un très