Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/319

Cette page a été validée par deux contributeurs.
313
LUTHER À LA DIÈTE DE WORMS.

probation que leur avaient donnée ses ennemis mêmes ; que les seconds censuraient la papauté et la doctrine des papistes qui avaient dénaturé le christianisme, opprimé le monde, dévasté surtout l’Allemagne par des exactions insupportables, et qu’il ne voulait pas les désavouer non plus, de peur de laisser un libre cours à la rapacité et à la tyrannie de la cour de Rome ; que les troisièmes, enfin, avaient été composés contre les adversaires de ses opinions ; qu’il avouait s’être, en plusieurs rencontres, montré trop dur et trop véhément à leur égard, et être allé plus loin qu’il ne convenait à sa profession, mais qu’il ne se donnait pas pour un homme sans défaut, ni pour un saint, et qu’il ne s’agissait point, dans cette cause, de son caractère, mais de sa doctrine. Il refusa tout aussi formellement de les désavouer.

Arrivant alors à la défense même de ses livres, il dit : — « Je ne peux pas mieux me défendre qu’en imitant mon maître qui, frappé par un des serviteurs du grand-prêtre pendant qu’il parlait, se tourna vers lui et dit : Si j’ai mal parlé, faites voir ce que j’ai dit de mal ; et si j’ai bien parlé, pourquoi me frappez-vous ? — Celui qui ne pouvait pas se tromper, n’a pas refusé d’entendre le témoignage d’un simple serviteur contre sa doctrine. Moi, qui ne suis que terre et poussière, et qui peux si facilement me tromper, je demande si quelqu’un veut rendre témoignage contre la mienne. Je conjure donc votre majesté impériale et vos altesses, et qui que ce soit, hautement ou humblement placé, de vouloir bien me convaincre par les paroles des prophètes et des apôtres que je me suis trompé. Qu’on me le prouve, et je suis tout prêt à désavouer mes erreurs, et je serai le premier à jeter mes livres au feu. »

Il ajouta qu’il n’avait pas embrassé témérairement cette cause et qu’il n’y persistait pas par orgueil ; qu’il en avait pesé la grandeur, prévu les périls, qu’il savait quels troubles elle devait jeter dans le monde, mais qu’il ne s’en épouvantait pas, parce que la vérité ne pouvait pas s’établir sans dissension ; que son maître l’avait annoncé aux hommes en leur disant qu’il n’était pas venu leur apporter la paix, mais la guerre ; que c’était là l’effet, la marche et la fortune de la parole de Dieu. Il supplia la diète de ne pas attirer, en la persécutant, de grands malheurs sur l’Allemagne, et ouvrir ainsi sous de funestes auspices le règne du jeune empereur. Il finit en se re-