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arrive à la question du gallicanisme, qui a été également pour lui l’objet de méditations profondes ; il fait voir comment ce conflit, particulier en apparence, de l’autorité spirituelle et du pouvoir temporel, se rattache à la question plus générale de la souveraineté, et comment les solutions contradictoires, adoptées et par l’état et par la cour de Rome, reproduisent cette antinomie radicale qui se retrouve toujours entre l’autorité et la liberté, ces deux termes extrêmes, entre lesquels les états comme les individus oscillent sans cesse, ces deux écueils sur lesquels on se sent alternativement poussé, sans pouvoir jamais garder le milieu. Or, la souveraineté, qui, prise au point de vue absolu, n’appartient qu’à Dieu, ne peut, dans l’ordre humain, appartenir qu’au peuple, qu’à la réunion collective de toutes les volontés et de toutes les intelligences.

Dévoué en politique au succès de la cause démocratique, M. de La Mennais aurait voulu persuader au clergé de divorcer avec l’état ; il aurait voulu que l’Église déclinât la solidarité des actes d’un pouvoir tombé en discrédit, et cherchât à recouvrer, par une indépendance qui ne pouvait se conquérir, il est vrai, qu’au prix de quelques dangers, le respect et l’affection des peuples ; il aurait voulu réconcilier avec les idées religieuses les esprits amenés à confondre dans une même réprobation un pouvoir impopulaire et rétrograde par essence, et la religion momentanément compromise par une alliance contraire à son esprit.

Cette volonté que l’on pourrait retrouver en germe dans les premiers travaux de M. de La Mennais, est aujourd’hui articulée d’une manière plus ferme et plus précise. Il se prononce en politique sur des questions que jusque-là, moitié par incertitude, moitié par prudence, il avait laissées dans l’ombre. M. de La Mennais repousse la transmission héréditaire du pouvoir : le grand mot est prononcé, il est républicain. Nous ne le suivrons pas dans l’éloquente critique qu’il fait de la politique intérieure et extérieure de la France depuis la révolution de 1830 ; dans l’accumulation énergique des griefs qui ont décidé sur ce point sa conviction jusque-là flottante. Le fragment inséré dans la Revue des Deux Mondes du 1er février 1835 a dû mettre le lecteur en état de juger par lui-même de la portée de cette profession de foi. L’accession de M. de La Mennais aux idées républicaines est un fait d’une grande importance. Il a, plus que personne, ébranlé des esprits qui jusque-là étaient restés, par le fait de leur éducation, étrangers aux sympathies populaires ; il a fait sous ce rapport une brèche considérable dans les rangs du clergé, de la jeunesse libérale mais non voltairienne, que la longue hostilité du libéralisme contre la religion avait indisposée et tenue dans l’éloignement. L’adhésion formelle et explicite d’un tel homme doit faire avancer ou reculer, mais,