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sement le nom que porte le jeune professeur, la place qu’il occupe au ministère de l’instruction publique, donnèrent de l’ombrage aux étudians, déjà excités par quelques articles de journaux. Une conspiration d’école se forma contre le cours, et quelques jours auparavant, on apprit que les huées et les sifflets devaient y jouer leur rôle. Ce jour-là, en effet, M. Royer-Collard, qui se présenta à l’amphithéâtre accompagné de M. Desgenettes et de M. Orfila, fut accueilli par de violens murmures et par des apostrophes insultantes. M. Orfila prit alors la parole et rapporta comment s’était faite la nomination du professeur suppléant, nomination toute régulière, toute légale. Quelques applaudissemens s’ensuivirent, puis les huées redoublèrent, et à la sortie du cours, M. Royer-Collard, accompagné de ses amis, fut poursuivi de cris et de chants poussés par une multitude d’étudians, jusqu’à l’École des Beaux-Arts. Le jeune professeur opposa à ce tumulte le plus grand calme et la contenance la plus digne, et le lendemain, s’étant rendu à l’École de médecine, pour y remplir ses fonctions d’examinateur, il traversa, en robe, les cours remplies de jeunes gens qui le saluèrent avec politesse.

Cette distinction raisonnée entre le professeur et l’examinateur, faite par les étudians en médecine, nous fait espérer que, plus calmes et abandonnés à leurs propres réflexions, ils reviendront sur l’injustice qu’ils ont commise, et qui s’adresse malheureusement à un homme qui la mérite peu. M. Royer-Collard, nommé professeur par son seul mérite, presque au sortir des bancs de l’amphithéâtre, est une intelligence vive et droite, un esprit libre, qui n’a pas renoncé à son indépendance, en acceptant une place dans les bureaux d’un ministère. Entre autres graves reproches qui s’élevaient contre lui à l’amphithéâtre, nous l’avons entendu accuser de porter des gants blancs ; quelques-uns de ses amis, qui s’étaient rendus à l’amphithéâtre pour assister à l’ouverture du cours, avaient aussi, ce jour-là, ces malheureux gants blancs qu’on croit incompatibles avec la science. Aussi les cris : à bas les gants blancs retentissaient de toutes parts, et à sa seconde leçon, M. Desgenettes débuta ainsi : « Messieurs, nous professerons tranquillement aujourd’hui. Les gants blancs sont à se promener sur les boulevarts. »

En s’élevant de la sorte contre les gants blancs, M. Desgenettes s’est peut-être involontairement reporté à des souvenirs de son ancien temps, aux beaux jours de la jeunesse dorée ; mais aujourd’hui l’élégance peut s’allier au travail et à l’érudition. Parmi ceux qui portaient des gants blancs au cours de M. Royer-Collard, il s’en trouvait qui les quittent souvent pour prendre la plume ou le pinceau, pour faire la savante autopsie d’un cadavre, et soulager les maladies les plus rebelles. On nous permettra de citer