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ANDRÉ.

— Non, Geneviève, on leur dira dès demain que je vous adore ; que vous avez un peu d’amitié pour moi ; que je demande à vous épouser, et que vous y consentez

— Mais si l’amour ne me vient pas ? dit Geneviève.

— Alors vous ferez un mariage de raison, et je mettrai tous mes soins à vous assurer le bonheur calme que vous craignez de perdre en aimant.

— Oh ! André, vous êtes bon ! dit Geneviève en serrant doucement les mains brûlantes d’André ; mais je vous crains sans savoir pourquoi. Je ne sais si c’est moi qui suis trop indifférente, ou vous qui êtes trop passionné : j’ai peur de mon ignorance même, et ne sais quel parti prendre.

— Celui que vous dictera votre cœur : n’avez-vous pas seulement un peu de compassion ?

— Mon cœur me conseille de vous écouter, répondit Geneviève avec abandon : voilà ce qu’il y a de vrai.

André baisait encore ses mains avec transport lorsque Henriette rentra.

— Eh bien ! s’écria-t-elle en voyant la joie de l’un et la sérénité de l’autre, tout est arrangé : à quand la noce ?

— C’est Geneviève qui fixera le jour, répondit André. Vous pouvez, ma chère Henriette, le dire demain dans toute la ville.

— Oh ! s’il ne s’agit que de cela, soyez en paix. Il n’est pas minuit : demain, avant midi, il n’y aura pas une mauvaise langue qui ne soit mise à la raison. Oh ! quelle joie ! quelle bonne nouvelle pour ceux qui t’aiment ! car tu as encore des amis, ma bonne Geneviève ! M. Joseph, qui ne t’aimait pas beaucoup autrefois, il faut l’avouer, se conduit comme un ange maintenant à ton égard ; il ne souffre pas qu’on dise un mot de travers devant lui sur ton compte ; et c’est un gaillard… Qu’est-ce que je dis donc ? c’est un brave jeune homme, qui sait se faire écouter quand il parle.

— C’est par amitié pour M. André qu’il agit ainsi, dit Geneviève ; je ne l’en remercie pas moins : tu le lui diras de ma part, car je suppose que tu lui parles quelquefois, Henriette ?

— Ah ! des malices ? Comment ! tu t’en mêles aussi, Geneviève ? Il n’y a plus d’enfans ! Il faut bien te passer cela, puisque te voilà bientôt marquise.